Shogun
attendre.
— Le commerce ne peut évidemment pas attendre, pas plus
que moi, dit Ferriera. Je pars avec la marée.
— Vous n’avez pas vos lettres de mer. J’ai peur que
vous ne deviez attendre.
— Je croyais que tout était arrangé depuis des
mois. » Ferriera se mit à maudire les règlements japonais qui imposaient à tous bateaux sans exception des autorisations
d’entrée et de sortie. « Nous ne devrions pas être liés par des règlements
indigènes, stupides. Vous aviez dit que cette entrevue n’était qu’une
formalité, pour rassembler tous les documents.
— Il aurait dû en être ainsi, mais j’avais tort.
Peut-être vaudrait-il mieux que je m’explique…
— Je dois rentrer à Macao immédiatement pour préparer
le Vaisseau noir. Nous avons déjà acheté pour un million de ducats de soies à la foire de février de Canton et nous transportons au moins cent
mille onces d’or chinois. Je croyais m’être fait comprendre en vous disant que
toutes les liquidités de Macao, Malacca et Goa, que tous les pennies empruntés
par les marchands de Macao et les pères jésuites étaient investis dans cette
entreprise. Tous les pennies.
— Nous sommes tout aussi conscients que vous de l’importance de cette affaire, dit Dell’Aqua sèchement.
— Je suis désolé, commandant, mais Toranaga est
président du Conseil des régents et la coutume veut que nous allions le voir,
dit Alvito. Il a dit qu’il n’approuvait pas les tentatives d’assassinat.
— Qui les approuverait, mon père ? dit Ferriera.
— De quoi parle Toranaga, Martin ? demanda
Dell’Aqua. Est-ce une ruse ? Assassinat ? Qu’est-ce que ça a à voir
avec nous ?
— Il m’a dit : pourquoi est-ce que vous les
chrétiens, vous tentez d’assassiner mon prisonnier, le pilote ?
— Quoi ?
— Toranaga croit que la tentative visait l’Ingeles. Il
a également dit qu’il y avait eu une autre tentative en prison. » Alvito
regardait le soldat fixement.
« De quoi m’accusez-vous, mon père ? dit Ferriera.
Une tentative d’assassinat ? Moi ? Dans la forteresse d’Osaka ?
C’est la première fois que je viens au Japon.
— Vous n’êtes pas au courant, n’est-ce pas ?
— Je reconnais que plus vite l’hérétique sera mort,
mieux ce sera, dit Ferriera froidement. Si les Hollandais et les Anglais commencent à semer leur merde en Asie, nous allons au-devant d’ennuis.
Tous, tant que nous sommes.
— Nous sommes déjà dans de beaux draps, dit Alvito.
Toranaga a commencé par dire qu’il avait appris de l’Ingeles, que d’incroyables
bénéfices étaient réalisés par le monopole portugais sur le commerce
chinois, que les Portugais vendent les soies, qu’ils sont seuls à pouvoir
acheter en Chine, à des prix prohibitifs, en les payant avec de l’argent
japonais, qu’ils sous-évaluent. Toranaga a dit : « Puisque
l’hostilité existe entre la Chine et le Japon et que tout commerce direct est
interdit, puisque les Portugais seuls ont la permission de faire ce commerce,
les Portugais devront répondre – par écrit – auxaccusations “d’usuriers” portées par le pilote. Il “invite” Votre Éminence à fournir un rapport aux régents sur les taux d’échange – argent
contre soie, soie contre argent, or contre argent. Il a ajouté qu’il ne voyait,
bien sûr, aucune objection, au fait que nous fassions de gros bénéfices pourvu
qu’ils soient faits sur le dos des Chinois.
— Vous allez, bien sûr, rejeter une telle
requête ? dit Ferriera.
— C’est très difficile.
— Alors, donnez un faux rapport.
— Notre position, fondée sur la confiance mutuelle,
subirait un grave préjudice, dit Dell’Aqua.
— Pouvez-vous faire confiance à un Jap ? Bien sûr
que non. Nos bénéfices doivent rester secrets. Putain d’hérétique !
— Je suis désolé de vous dire que Blackthorne semble
particulièrement bien informé. »
Le père visiteur se tut.
« Qu’est-ce que ce Jap a encore dit ? »
demanda Ferriera faisant semblant de ne s’être pas rendu compte de leur regard
complice. Il aurait souhaité en savoir autant qu’eux.
« Toranaga me demande de lui fournir, pour demain midi , un e carte du monde avec les lignes de démarcation entre le
Portugal et l’Espagne, les noms des papes qui ont approuvé les traités, et
leurs dates. Il “exige” d’ici trois jours une explication écrite
de nos “conquêtes” dans le Nouveau Monde et,
Weitere Kostenlose Bücher