Shogun
nos missions, toutes nos expéditions,
tous nos missionnaires, toutes nos découvertes et paient la plupart sinon la
totalité d e nos engagements européens, empêchant les
hérétiques d’arriver en Asie. Qu’y a-t-il de plus important ? La
chrétienté espagnole, portugaise et italienne ou la chrétienté japonaise, mon
père ? »
Dell’Aqua regarda le soldat. « Une fois pour toutes,
vous - ne-vous-mêlerez-pas-des-affaires-intérieures-de-ce-pays !
— Et si l’on… si l’on m’empêche d’agir, que
proposez-vous pour l’hérétique ? Ou pour Toranaga ? »
Dell’Aqua s’assit, croyant qu’il avait gagné. « Je ne
sais pas pour l’instant. L’idée seule d’éliminer Toranaga me semble comique et
risible. Il est de notre côté, en faveur d’u n commerce
toujours plus florissant. » Il baissa la voix. « Et donc en faveur de
vos bénéfices toujours plus florissants.
— Et des vôtres, dit Ferriera, à nouveau mordant
et hargneux.
— Nos bénéfices sont destinés, comme vous le savez très
bien, à l’œuvre de Dieu. » Dell’Aqua se versa du vin et dit pour le
calmer : « Allez, Ferriera, ne nous bagarrons pas de la sorte. Vous
pouvez me croire. Toranaga nous est indispensable. Sans lui pour faire obstacle
aux autres régents, le pays entier retournerait à l’anarchie.
— Oui, c’est vrai, commandant…, dit Alvito. Je ne
comprends toujours pas pourquoi il est encore dans la forteresse , pourquoi il a accepté que l’entrevue soit reportée. Il doit certainement
savoir qu’Osaka est plus fermée que la ceinture de chasteté de la dame du
chevalier jaloux. Il aurait dû s’en aller il y a plusieurs jours. »
Ferriera dit : « S’il est indispensable, pourquoi soutenir Onoshi et Kiyama ? Ces deux-là ne se sont-ils pas
rangés du côté d’Ishido ? Contre lui ? Pourquoi ne leur
conseillez-vous p as le contraire ? Avec une menace
d’excommunication à la clef ? »
Dell’Aqua soupira. « J’aimerais que ce soit aussi
simple. Rien ne se fait de cette manière-là, au Japon. Ils détestent les
ingérences extérieures dans leurs affaires privées. Même une suggestion de
notre part doit être offerte avec la plus extrême délicatesse. »
Ferriera vida son gobelet d’argent, se versa encore un peu
de vin et se calma, sachant qu’il avait besoin d’avoir les jésuites avec lui.
Sans eux comme interprètes, il était perdu.
La main de Ferriera se posa sur le pommeau de sa rapière.
« Par le sang du Christ, mon Vaisseau noir partira à temps de Macao, ira
jusqu’à Nagasaki, puis repartira avec la mousson vers le sud, vers Goa et le
pays ! » Il ajouta silencieusement « Même si je dois brûler tout
le Japon, tout Macao et toute la Chine pour ça, par la Sainte Vierge !
— Nos prières sont, bien sûr, avec vous, répliqua
Dell’Aqua en pensant ce qu’il disait. Nous savons l’importance de votre voyage.
— Qu’est-ce que vous suggérez ? Je suis coincé
sans ces autorisations portuaires, sans sauf-conduits. On ne peut pas éviter
les régents ? Il y a peut-être un autre moyen. »
Dell’Aqua secoua la tête. « Martin, vous qui êtes notre
expert commercial ?
— Je suis désolé, mais c’est impossible », dit
Alvito. Il avait écouté cette discussion enflammée avec une indignation
contenue. « Je suis sûr que dans un jour ou deux tout sera réglé,
commandant. Une semaine au plus. Toranaga a pas mal de problèmes à l’heure
actuelle. Tout sera réglé. J’en suis certain.
— J’attendrai une semaine. Pas plus », dit
Ferriera. Son ton de voix chargé de menace faisait peur. « J’aimerais bien
mettre la main sur l’hérétique. Je lui ferais cracher la vérité. Toranaga
a-t-il dit quelque chose de cette prétendue escadre ? D’une escadre
ennemie ?
— Non.
— J’aimerais bien savoir la vérité. Parce qu’en mer,
chargé comme le serait mon Vaisseau noir, n’importe quelle frégate ennemie – ou
cette putain hollandaise d ’Érasme – pourrait sans difficulté me faire
abattre le pavillon impérial du Portugal. Il vaudrait mieux que l’Ingeles ne
prenne pas la mer sur son bateau avec des canonniers, de la poudre et des
munitions à bord. Quand est-ce que Blackthorne part pour
Izu ?
— Toranaga ne l’a pas dit, répondit Alvito. J’ai
l’impression que c’est pour très bientôt.
— Aujourd’hui ?
— Les régents se réunissent dans quatre jours. Je crois que ce sera
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