Shogun
marchait en avant du convoi le long de la petite
colline. Il passa un terrain à découvert puis franchit un pont plus éloigné.
Une fois dans le sous-bois, il s’effondra. Là, personne ne
pouvait le voir.
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« Anjin-san ! Anjin-san ! »
À demi conscient, il laissa Mariko l’aider à boire du saké.
La colonne s’était arrêtée. Les Bruns serraient la litière de près. Buntaro
avait crié quelque chose à l’une des servantes et elle avait immédiatement
sorti une fiasque. Il avait enjoint à ses gardes de tenir toute personne
éloignée de la litière de « Kiritsubo-san », puis s’était dirigé
précipitamment vers Mariko. « Est-ce que l’Anjin-san va bien ?
— Oui. Oui, je crois », lui avait-elle répondu.
Yabu les avait rejoints. Pour essayer de se débarrasser du capitaine des Gris
il dit : « Nous pouvons poursuivre notre route, seuls ; nous
allons laisser quelques hommes avec Mariko-san. Dès que le barbare ira mieux,
ils pourront nous rejoindre.
— Avec tout le respect que je vous dois, Yabu-san, nous
allons attendre. Je suis chargé de vous amener jusqu’à la galère. Tous
ensemble », lui répondit le capitaine. Ils tournèrent tous leur regard
vers Blackthorne qui s’étouffait légèrement avec son vin. « Merci, dit-il
dans un croassement. Sommes-nous en sécurité ? Qui d’autre sait
que… ?
— Vous êtes sauvé, maintenant ! »
l’interrompit Mariko volontairement.
Elle tourna le dos au capitaine et
avertit du regard Blackthorne. « Anjin-san, vous êtes
sauvé. Vous n’avez pas d’inquiétude à avoir. Vous comprenez ? Vous avez eu
une crise. Regardez autour de vous. Vous êtes sauvé ! »
Blackthorne obtempéra. Il vit le capitaine, les Gris et
comprit. Ses forces revenaient rapidement. « Désolé, senhora, ce n’était
que la peur, je crois. Je deviens vieux. Je deviens fou par moments et ne me
souviens jamais de ce qui s’est passé. Parler portugais est fatigant, n’est-ce
pas ? » Il se mit à parler en latin. « Vous me comprenez ?
— Assurément.
— Cette langue est- elle “plus facile” ?
— Peut-être », dit-elle, soulagée qu’il ait
compris ses consignes de prudence et qu’il se soit mis à parler en latin, langue quasiment incompréhensible et impossible à apprendre pour
u n Japonais, hormis une poignée d’hommes dans tout
l’empire. Elle était la seule femme du pays à parler, lire et écrire couramment
le latin et le portugais. « Les deux langues sont difficiles. Chacune a
ses dangers.
— Qui d’autre en connaît les “ dangers ” ?
— Mon mari et cet homme qui nous escorte.
— En êtes-vous sûre ?
— Les deux l’ont prouvé. »
Le capitaine des Gris piétinait nerveusement et dit quelque
chose à Mariko. « Il demande si vous êtes dangereux, si on ne devrait pas
vous lier les mains et les pieds. J’ai dit que non. Vous êtes sorti de votre
crise de folie.
— Oui, dit-il en se remettant à parler portugais. J’ai
souvent des crises. Si quelqu’un me frappe au visage, je deviens fou. Je suis désolé. Je ne me souviens jamais de ce qui se passe
pendant ces accès. C’est le doigt de Dieu. » Il se rendit compte que le
capitaine lisait sur ses lèvres et il pensa : « Je te prends la main
dans le sac, mon salaud. Je parie que tu comprends le
portugais. »
Sono, la servante, pencha sa tête vers la litière et colla
son oreille contre les rideaux. Elle écouta puis revint vers Mariko.
« Désolée, Mariko-sama, mais ma maîtresse demande si le fou va mieux et si
nous pouvons poursuivre notre route ? Elle vous p rie
de lui donner votre litière parce qu’elle pense que nous devrions nous dépêcher
à cause de la marée. Sachant que les fous ne sont affligés que par les dieux,
elle va dire des prières pour sa guérison et lui administrera personnellement
des médicaments dès que nous serons à bord de la galère. »
Mariko traduisit.
« Oui, je vais très bien. » Blackthorne se leva et
vacilla sur s es jambes. Yabu gueula un ordre.
« Yabu-san dit que vous allez immédiatement monter dans
cette litière, Anjin-san. » Mariko sourit devant ses protestations.
« Je suis tout à fait forte. Vous n’avez pas à vous inquiéter. Je marcherai
à vos côtés. Nous pourrons parler si vous le désirez. »
Il se laissa faire et s’installa dans la litière. Ils
repartirent aussitôt. La démarche ondulante des porteurs avait un effet
calmant. Il était
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