Shogun
amarres. Quelques samouraïs furent dirigés vers le nord à la
rencontre de Buntaro. Le gros des hommes se rua vers un brise-lames au sud, à
deux cents pas de là, où il prit position pour faire obstacle aux Gris de la
frégate qui approchaient à toute allure.
Quand tous les hommes, à bord, eurent été contrôlés et
recontrôlés, le chef mit ses mains en porte-voix et cria en direction du
rivage. Immédiatement, d’autres ronin, sous le commandement de Yabu,
sortirent de la nuit et s’étalèrent en éventail pour former des boucliers, au
nord et au sud. Puis Toranaga apparut. Il avança lentement vers l’échelle de
coupée. Seul. Il s’était débarrassé de son kimono de femme, avait enlevé son
maquillage. Il portait son armure et, par-dessus, un simple kimono brun. Ses épées
étaient fichées dans la ceinture. Il était couvert par son arrière-garde et la
phalange se déplaçait à une allure étudiée vers le quai.
Un peu plus tôt, Blackthorne avait vu Mariko emmenée dans
une cabine. Il avait présumé qu’elle était blessée. Elle ne devait pas l’être
gravement, car tous les samouraïs gravement blessés étaient immédiatement
achevés s’ils ne voulaient ou ne pouvaient pas le faire eux-mêmes. Et elle est
samouraï, ne l’oublie pas, se dit-il. La brise le débarrassait de cette nausée
qui l’étreignait.
Il regarda Toranaga en vacillant encore sur ses jambes. Il y eut un signal soudain au sommet du donjon. Un vague écho
d’alarme leur parvint. Des fusées partirent des murailles de la forteresse,
vers les étoiles. Des feux, des signaux. Dans le silence ,
il vit Toranaga se retourner et jeter un regard vers la forteresse. Les
lumières embrasaient le ciel, au-dessus de la ville.
Toranaga se retourna et, sans hâte, monta à bord de la galère. Des cris
lointains portés par le vent parvenaient du nord.
Buntaro ! Ce doit être lui. Avec le reste de la
colonne. Blackthorne fouilla des yeux l’obscurité, mais ne put rien voir. Au
sud, l’écart entre Bruns et Gris rétrécissait à vue d’œil. Le nombre des
soldats de part et d’autre était à peu près égal. Mais pour combien de
temps ? Tous ceux qui étaient à bord s’agenouillèrent
et saluèrent bien bas au passage de Toranaga. Il fit signe à Yabu qui prit
immédiatement le commandement et donna ordre de larguer
les amarres. Cinquante samouraïs d e la phalange montèrent
à bord de la galère et prirent de s positions défensives.
Ils faisaient face au rivage et avaient armé leurs arcs.
Blackthorne sentit que quelqu’un lui tirait la manche.
« Anjin-san !
— Hai ? » Il regarda le capitaine
droit dans les yeux. L’homme prononça quelques mots en montrant du doigt l a barre, Blackthorne comprit. Le capitaine
croyait qu’il dirigeai t les manœuvres et lui demandait la
permission de larguer les amarres.
« Hai, capitaine-san, répondit-il.
Larguez ! Isogi. » Oui, très vite, se dit-il, se demandant
comment il avait fait pour se souvenir si facilement de ce
mot.
La galère s’éloigna de la jetée, aidée par le vent et l’ habileté des rameurs. Blackthorne vit alors que les Gris avaient
envahi le brise-lames et le rivage. L’assaut était donné. De derrière une série
de bateaux amarrés là, il vit un groupe de trois hommes et une femme charger
neuf Gris. Blackthorne reconnut Buntaro et Sono, la servante.
Buntaro sonna la retraite vers la jetée. Son épée était
dégoulinante de sang. Des flèches étaient plantées dans son armure, sur sa
poitrine et dans son dos. La fille était armée d’une
dague. Elle marchait en titubant. L’un des Bruns s’arrêta courageusement et
couvrit leur retraite. Les Gris l’encerclèrent. Buntaro accéléra le pas, la
fille et le dernier Brun à ses côtés. Puis il se retourna et fondit sur les
Gris comme un taureau f ou. Les deux premiers
dégringolèrent du quai, haut de quatre mètres. L’un se
brisa la colonne vertébrale, sur les rochers en contrebas. L’autre fit une
chute libre en hurlant, le bras droit arraché. Les Gris hésitèrent un instant,
donnant à la fille le temps de viser avec sa dague, mais tous les hommes à bord
de la galère savaient que ce n’était qu’un geste. Le dernier passa devant son
maître et se jeta à la tête des Gris qui le découpèrent en morceaux puis
chargèrent en masse.
À bord du bateau, les archers décochaient volée sur volée,
tuant ou blessant tous les Gris qui les attaquaient. Une épée
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