Shogun
la
rue qui sinuait loin des quais, vers la ville. Mariko
s’approcha de Blackthorne. « Le bateau vous paraît-il sûr ? lui
demanda-t-elle.
— Il flotte. » Blackthorne se hissa avec
difficulté sur le pont. Mariko le suivit. Quatre Gris gardaient le gaillard
d’arrière, deux autres se trouvaient à l’avant. Tous étaient armés d’arcs , de flèches et d’épées. Mariko questionna l’un des marins qui
lui répondit obligeamment.
« Ce sont tous des marins engagés pour emmener
Kiritsubo-san à Yedo, dit-elle à Blackthorne.
— Demandez-lui… » Blackthorne se tut,
reconnaissant le second qu’il avait promu capitaine de la galère après la
tempête. « Konbanwa, capitaine-san !
— Konbanwa, Anjin-san.
— Le second a dit au capitaine que vous aviez sauvé le
bateau pendant la tempête, Anjin-san. Vous ne nous avez pas raconté cette
tempête, dit Mariko.
— Il n’y a pas grand-chose à raconter. Ce n’était qu’une tempête de plus. Remerciez, je vous prie, le capitaine et
dites - lui que je suis heureux de me retrouver de nouveau à
bord. Demandez-lui si nous sommes prêts à partir dès que les autres
arriveront. » Il ajouta calmement : « Cherchez à savoir s’il y a
d’autres Gris à bord. »
Elle s’exécuta.
Le capitaine s’approcha. Elle lui demanda quelques renseignements , puis, amusée par l’importance que le capitaine donnait à la présence de Blackthorne, elle le salua et
dit « Anjin-san, il vous remercie d’avoir sauvé son bateau et dit qu’ils
sont prêts. » Elle ajouta doucement : « Il ne sait rien au sujet
des Gris. »
Blackthorne jeta un regard à terre. Aucun signe de Buntaro
ou de la colonne. Le samouraï envoyé à la Santa Theresa était encore à
une centaine de mètres de sa destination. Personne ne l’avait encore vu venir.
« Et maintenant ? dit Blackthorne, ne pouvant plus
supporter l’attente.
— Cet homme va bientôt atteindre la frégate.
— Qui ? »
Il pointa son index. « Cet homme-là. Ce samouraï.
— Quel samouraï ? Je suis désolée, mais je ne peux
pas voir si loin, Anjin-san. Je vois tout ce qui est sur
le bateau à par les Gris, à l’avant, que je vois comme dans un brouillard. Quel
homme ?
— Il est à cinquante mètres à peine. On l’a vu, ça y
est ! Nous avons besoin de secours. C’est urgent. Qui donne le
signal ? Il faudrait le donner maintenant. C’est très important.
— A-t-on des nouvelles de mon mari ? »
demanda-t-elle en portugais. Il fit non de la tête.
Seize Gris s’interposaient entre son maître et son salut, se
dit-elle. Sainte Vierge, protégez-le ! Puis, remettant son âme à Dieu,
terrorisée parce qu’elle ne savait pas si elle ne prenait pas la mauvaise
décision, elle se dirigea péniblement vers le haut de l’échelle de coupée et
fit semblant de s’évanouir.
Blackthorne fut pris par surprise. Il vit la tête de Mariko
frapper les lattes de bois méchamment. Les marins s’attroupèrent. Il la releva
et la porta vers le gaillard d’arrière.
« Allez chercher de l’eau. Eau, hai ? »
Les marins le regardèrent sans comprendre. Il fouilla
désespérément son esprit à la recherche du mot japonais. Le vieux moine le lui
avait dit une bonne cinquantaine de fois. Seigneur, c’est quoi ? Ça se dit
comment ?
« Oh, oui. Mizu, mizu !
— Ah, mizu,
hai, Anjin-san. » Un homme partit en courant. Un soudain cri
d’alarme.
À terre, trente des samouraïs de Toranaga déguisés en ronin surgissaient de la ruelle. Les Gris se regroupèrent autour de
l’échelle de coupée. Ceux qui étaient sur les gaillards d’arrière et devant se
hissèrent pour mieux voir ce qui se passait. L’un d’entre eux hurla un ordre.
Les archers bandèrent leurs arcs. Tous les samouraïs, Gris et Bruns,
dégainèrent leurs épées et se ruèrent à nouveau sur le quai.
« Bandits ! » cria l’un des Bruns pour donner
le ton.
Les ronin -samouraïs de Toranaga chargèrent. Une
flèche frappa un homme en pleine poitrine et il s’affaissa lourdement. Au même
moment, un Brun qui se trouvait à l’avant de la galère tua un archer Gris. Un
autre Brun, sur le gaillard d’arrière, mutila l’un des Gris, mais les trois
autres se défirent rapidement de lui et coururent vers l’échelle de coupée. Les
marins s’éparpillaient. Les samouraïs, sur le quai, se battaient à mort. Le
chef des Gris, un homme à la barbe grise et drue, se retrouva sur le
Weitere Kostenlose Bücher