Shogun
Mariko fermement. Tous les plans qu’il
dresse sont toujours très sages. »
Il l’avait observée pendant l’embuscade, une longue épée à
la main presque trop grande pour elle, prête à lutter à mort pour Toranaga. Il
l’avait vue s’en servir une fois. Buntaro avait bien sûr tué l’assaillant, mais
c’était elle qui avait rendu la chose possible en forçant son adversaire à
reculer. Il y avait encore du sang sur son kimono, déchiré par endroits. Son
visage était souillé .
Il sut en la regardant qu’il souhaitait que rien ne lui
arrive.
« Laissez-moi aller avec les samouraïs, Mariko-san.
Restez ici, je vous en prie.
— Ce n’est pas possible, Anjin-san.
— Alors, il me faut un couteau. Donnez-m’en plutôt deux. »
Elle transmit sa requête à Toranaga qui accepta. Blackthorne en glissa un sous sa ceinture, à l’intérieur du
kimono. L’autre, il l’attacha sur son avant-bras, manche pointé vers le bas avec
un bout de soie arraché à son ourlet.
« Mon maître demande si tous les Anglais portent des
couteaux dans leur manche comme ça ?
— Non. Mais la plupart des marins, oui.
— Nous ne faisons pas ça. Les Portugais, non plus,
dit-elle.
— Le meilleur endroit pour un couteau, c’est une botte. Vous pouvez alors faire beaucoup de mal et très vite. Si
besoin est. »
Elle traduisit et Blackthorne nota les regards attentifs de
Toranaga et de Yabu. Il comprit qu’ils n’aimaient pas le voir ainsi armé.
Après l’embuscade, Toranaga l’avait remercié de sa loyauté
devant tous les Bruns rassemblés. Rien de plus. Le vieux moine lui avait dit
que la loyauté était la seule chose pour laquelle ils attribuaient
des récompenses. « Loyauté et devoir, senor, lui avait-il dit. C’est leur
culte, cette Bushido. Là où nous donnons nos vies pour Dieu et son Saint
Fils Jésus, ces animaux donnent la leur pour leurs maîtres et meurent comme des
chiens. Souvenez-vous, senor, pour le salut de votre âme, que ce sont des
chiens. »
Il dit à Mariko : « Nous avons besoin d’un signal,
pour dire si le bateau est sûr ou pas. »
Elle traduisit, innocemment cette fois. « Sire Toranaga
dit qu’un de nos soldats s’en occupe.
— Je ne trouve pas très courageux de la part de sire
Toranaga d’envoyer une femme faire un travail d’homme.
— Soyez patient avec nous, Anjin-san. Il n’y a aucune
différence entre un homme et une femme. Les femmes sont égales aux hommes en
tant que samouraïs. »
Toranaga lui parla un court instant.
« Êtes-vous prêt, Anjin-san ? Nous partons.
— Ce plan est pourri, dangereux, et je suis fatigué
d’être toujours le maudit animal que l’on immole, mais je suis prêt. »
Elle rit, salua encore une fois Toranaga et s’en alla en
courant. Blackthorne et les six samouraïs coururent derrière elle. Elle était
très alerte et il ne la rattrapa qu’au moment où ils tournaient le coin de la
ruelle et se dirigeaient vers le terre-plein . Il ne
s’était jamais senti aussi nu. Dès qu’ils apparurent, les Gris les repérèrent
et foncèrent sur eux. Ils furent bientôt entourés de toutes parts. Mariko se
mit à leur parler fiévreusement. Il se joignit lui aussi à
cette tour de Babel en débitant un mélange de portugais, d’anglais et de
hollandais, leur faisant signe de se dépêcher. Il se
dirigea à tâtons vers l’échelle de coupée et s’y agrippa à cause du vent. Il
essaya de voir à l’intérieur du bateau, mais ne put rien discerner, hormis les
quelques têtes qui apparaissaient sur le plat-bord. Il voyait les
crânes rasés des samouraïs et de plusieurs marins. Il ne pouvait deviner
la couleur de leurs kimonos.
Derrière lui, un Gris lui parlait rapidement. Il se retourna
en lui disant qu’il ne comprenait pas – aller là-bas, vit e remonter
la rue, là où la maudite bataille faisait rage. « Wakarimasu ka ? Magne-toi
le cul, bon Dieu ! Wakarimasu ka ? Bataille
là-bas ! »
Mariko haranguait frénétiquement l’officier en chef des Gris
qui se tourna vers le bateau et donna une série d’ordres. Aussitôt, plus d’une
centaine de samouraïs quittèrent le bateau. Il en envoya quelques-uns vers le
nord, le long du rivage, pour intercepter les blessés et
les aider si nécessaire. Un soldat fut envoyé vers les Gris qui gardaient la
frégate pour leur demander de l’aide. Dix hommes restèrent
pour garder l’échelle de coupée. Les autres partirent précipitamment vers
Weitere Kostenlose Bücher