Shogun
garde d’honneur. « Cinquante
hommes avec vous ! Immédiatement ! » Il n’osa pas laisser un
seul moment de répit à Yabu de peur qu’il se rende compte de l’énorme faille de
sa démonstration. Si Ishido était coincé et n’avait pas le pouvoir, la tête de
Toranaga sur un plateau prenait une valeur inestimable pour lui et, donc, pour
Yabu. Toranaga enchaîné comme un vulgaire félon et amené vivant devant les
murailles d’Osaka procurerait à Yabu l’immortalité et les clefs du Kwanto.
Toranaga dit tout fort, pendant que la garde d’honneur se formait devant
lui : « En l’honneur de cette occasion, Yabu-sama, vous accepterez
peut-être ceci, comme preuve de mon amitié. » Il dégaina sa longue épée,
la tint à plat dans ses paumes et la lui offrit. Yabu se saisit de l’épée comme
dans un rêve. Elle était inestimable. C’était une lame Minowara, célèbre de par
tout le pays. Toranaga la possédait depuis quinze ans.
— Est-elle aussi effilée qu’on le dit ?
— Oui.
— Vous me faites là un bien grand honneur. Je chérirai
ce présent. » Yabu s’inclina, conscient d’être, après ce cadeau, premier
du pays derrière Toranaga.
Toranaga lui rendit son salut, puis se dirigea, désarmé, vers
l’échelle de coupée. Il lui fallut toute sa volonté pour dissimuler sa rage. Il
pria pour que l’avarice de Yabu le tienne hypnotisé pendant encore quelques
instants.
« Larguez les amarres ! » Il se tourna vers
le rivage et fit de grands signes cordiaux de la main.
Une voix déchira le silence et hurla son nom. Tous les
autres hommes le reprirent en chœur. Il y eut un grondement unanim e d’approbation devant l’honneur fait à leur maître. La galère
s’éloigna.
« Capitaine, cap sur Yedo et vite !
— Oui, Sire. »
Toranaga regarda en arrière. Ses yeux scrutèrent le rivage.
Yabu était toujours près de la jetée, hypnotisé par l’épée. Mariko et Fujiko
attendaient près du vélum. L’Anjin-san était sur la place, là où on lui avait
dit d’attendre. Raide, immense et furieux. Leurs yeux se rencontrèrent.
Toranaga sourit et lui fit signe de la main. Blackthorne le lui rendit, mais
très froidement. Toranaga en fut énormément amusé.
Blackthorne se dirigea vers la jetée, morose.
« Quand revient-il, Mariko-san ?
— Je ne sais pas, Anjin-san.
— Comment va-t-on aller à Yedo ?
— Nous restons ici. Je reste au moins trois jours.
Après je retourne là-bas.
— Par mer ?
— Par la terre.
— Et moi ?
— Vous restez ici.
— Pourquoi ?
— Vous avez montré un intérêt très vif pour l’étude de
notre langue. Vous avez du travail, ici.
— Quel genre de travail ?
— Je ne sais pas. Je suis désolée. Sire Yabu vous le
dira. Mon maître m’a laissée pour que je serve d’interprète, pendant ces trois
jours. »
Blackthorne avait un pressentiment. Ses pistolets étaient
fichés dans sa ceinture, mais il n’avait plus de couteaux, plus de poudre, plus
de balles. Tout était resté dans la cabine du bateau.
« Pourquoi ne m’avez-vous pas dit que nous allions
rester ici ? Vous m’avez simplement enjoint de descendre à terre.
— Je ne savais pas que vous alliez, vous aussi, rester.
Sire Toranaga ne me l’a dit qu’il y a quelques minutes, sur la place.
— Pourquoi ne m’en a-t-il rien dit lui-même ?
— Je ne sais pas.
— Je devais aller à Yedo. C’est là que se trouve mon
équipage. C’est là qu’est mon bateau.
— Il a simplement dit que vous deviez rester ici.
— Pour combien de temps ?
— Il ne me l’a pas dit, Anjin-san. Peut-être que sire
Yabu le sait. Je vous en prie. Prenez patience. »
Blackthorne pouvait voir Toranaga debout sur le gaillard
d’arrière. « Il savait depuis le début que j’allais rester ici, n’est-ce
pas ? »
Elle ne répondit pas.
« Est-ce vrai ? Est-ce bien ça ?
— Comment ? Oh, je suis désolée, mais je ne sais pas, Anjin -san. Je peux simplement vous dire que sire Toranaga
est très sage, l’homme le plus sage de tous. Quelle que soit sa raison, elle
est bonne. » Elle étudia les yeux bleus et le dur visage. Elle
savait que Blackthorne n’avait rien compris à tout ce qui s’était passé.
« Soyez patient, Anjin-san , je vous en prie. Vous
n’avez rien à craindre. Vous êtes son vassal favori et sous sa…
— Je ne suis pas inquiet, Mariko-san. Je suis seulement
fatigué d’être un pion qu’on
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