Shogun
un homme. Vous
avez le droit de décider. Ce qui doit être doit être. Mais la mort de Yabu
n’est rien en elle-même. Nous devons dresser un plan. Son fils doit, lui aussi,
être éliminé, ainsi qu’Igurashi. Votre père pourrait devenir chef du clan selon
son droit. »
Je n’ai pas de suzerain. Qui vais-je servir
maintenant, se demandait Omi. Ikawa Jikkyu ? Toranaga ? Ishido ?
Toranaga me donnera-t-il ce que je veux en échange ?
Cet après-midi, Yabu avait réuni Igurashi, Omi
et les quatre capitaines et avait mis son plan clandestin d’entraînement des
cinq cents samouraïs artilleurs en action. Igurashi devait en assurer le
commandement. Ils s’étaient consultés sur la manière d’incorporer les hommes de
Toranaga dès leur arrivée et sur la façon de les neutraliser s’ils s’avéraient
être des traîtres. Omi avait suggéré que trois unités secrètes de réserve, de
cent samouraïs chacune, soient entraînées subrepticement de l’autre côté de la
péninsule. Précaution supplémentaire contre un mouvement habile et traître de
Toranaga.
« Qui commandera les hommes de
Toranaga ? Qui enverra-t-il comme second ? avait demandé Igurashi.
— Ça ne fait aucune différence, avait
répondu Yabu. Je nommerai ses cinq adjoints. Ils auront la responsabilité de
lui trancher la gorge, si besoin est. Le mot code signifiant “tuer” sera “prunier”.
Igurashi-san, vous choisirez demain les hommes dont la nomination sera soumise
à mon accord. Aucun d’entre eux ne devra connaître (du moins pas encore) ma
stratégie concernant le Régiment des mousquets. »
Tout en observant Yabu, Omi savourait ce
sentiment d’extase que lui procurait l’idée de vengeance. Tuer Yabu serait
facile, mais l’assassinat devra être soigneusement préparé. Ce n’est qu’à ce
moment-là que son père et son frère aîné seront à même de contrôler le clan et
Izu.
Yabu en vint au vif du sujet.
« Mariko-san, ayez la bonté de dire à l’Anjin-san que je veux le voir
commencer l’entraînement de mes hommes dès demain. Il doit leur apprendre à
tuer comme des barbares. Je veux savoir tout ce qu’il est possible de savoir
sur la façon dont les barbares font la guerre.
— Mais les mousquets n’arriveront pas
avant six jours, lui rappela Mariko.
— Mes hommes suffisent pour l’instant,
répondit-il. Je veux qu’il commence demain.
— Que veut-il savoir de la guerre ?
demanda Blackthorne.
— Il dit qu’il veut tout savoir.
— Quoi en particulier ?
— Yabu-san demande si vous avez pris part
à des batailles à terre ?
— Oui. Aux Pays-Bas. Une fois aussi, en
France.
— Yabu-san dit que c’est parfait. Il veut
tout savoir de la stratégie européenne, comment se livre une bataille, chez
vous. En détail. »
Blackthorne réfléchit, puis dit :
« Dites à Yabu-san que je peux entraîner le nombre d’hommes qu’il désire.
Je sais exactement ce qu’il veut savoir. » Il avait beaucoup appris sur la
façon dont les Japonais faisaient la guerre grâce au frère Domingo qui était un
expert. « Je sais tout de la guerre, senor, je sais tout de la guerre.
C’était la volonté de Dieu… C’était mon devoir de tout savoir de la guerre.
Peut-être que Dieu m’a envoyé pour vous l’apprendre, au cas où je mourrais.
Écoutez-moi. Mes brebis, ici dans cette prison, ont été mes professeurs et
m’ont tout appris de l’art de la guerre chez les Japonais, senor. Je sais donc
comment se battent leurs armées, comment les battre et comment elles peuvent
nous battre. Souvenez-vous, senor, je vous livre un secret : ne venez pas
ajouter les armes et les méthodes modernes à la férocité des Japonais, sinon
ils nous battront sur terre et nous détruirons. » Blackthorne s’en remit à
Dieu et dit : « Dites à Sire Yabu que je peux immensément l’aider,
ainsi que Sire Toranaga. Je peux rendre leurs armées imbattables.
— Sire Yabu dit : si ce que vous
dites est vrai, Anjin-san, il augmentera votre salaire. Des deux cent quarante koku par an que vous a octroyés sire Toranaga, votre revenu
passera à cinq cents koku par mois.
— Remerciez-le, mais dites-lui que je lui
demande une faveur en échange : je veux qu’il annule le décret qui pèse
sur le village. Je veux que mon bateau et mon équipage me soient rendus dans
cinq mois.
— Anjin-san, vous ne pouvez pas
marchander avec lui, comme un vulgaire maquignon.
— Demandez-le-lui, je vous
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