Shogun
honorablement sans vous
suicider. Vous vous êtes moqué de mon mari parce qu’il voulait mourir sans se
battre, neh ? Ce n’est pas notre coutume. Mais
c’est apparemment la vôtre. Pourquoi ne le faites-vous pas ? Vous avez un
pistolet. Tuez Sire Yabu. Vous croyez que c’est un monstre, neh ? Essayez de le tuer et, aujourd’hui même, vous serez au
paradis ou en enfer.
— C’est lâcheté que de mourir sans
raison. Stupide serait un mot plus approprié.
— Vous dites que vous êtes chrétien. Vous
croyez donc en l’enfant Jésus, en Dieu et au Paradis. La mort ne devrait pas
vous faire peur. Quant à “mourir sans raison”, c’est à vous d’y accorder ou de
ne pas y accorder de valeur. On peut toujours avoir de multiples raisons de
mourir.
— Je suis en votre pouvoir. Vous le
savez. Je le sais. » Mariko se pencha et lui toucha le bras avec
compassion. « Anjin-san, oubliez le village. Un milliard de choses peuvent
se produire avant que ces six mois ne se soient écoulés. Un raz de marée ou un
tremblement de terre. Vous pouvez reprendre la mer. Yabu peut mourir. Nous
pouvons tous mourir. Qui sait ? Laissez les problèmes de Dieu à Dieu et le karma au karma. Vous êtes ici
aujourd’hui. Rien n’y changera rien, quoi que vous fassiez. Vous êtes vivant
aujourd’hui. Vous êtes, ici, honoré, béni de la fortune. Regardez ce coucher de
soleil. Il est beau, neh ? Ce coucher de
soleil existe. Demain, n’existe pas. Il n’y a que maintenant qui compte. Regardez-le. Il est si beau et il ne se reproduira plus
jamais. Pas ce coucher de soleil là. Jamais dans
l’infinité des siècles. Perdez-vous dans sa beauté, ne faites plus qu’un avec
la nature et ne vous inquiétez pas du karma, du
vôtre, du mien ou de celui du village. » Il était séduit par sa sérénité,
ses mots. Il regarda vers l’ouest. De grandes traînées rouge-violet et noires
zébraient le ciel.
Il regarda le soleil jusqu’à ce qu’il ait
disparu.
« J’aimerais que vous soyez cette
concubine.
— J’appartiens à Sire Buntaro. Je ne peux
dire ou penser ce qui pourrait être dit ou pensé tant qu’il n’est pas
mort. »
Il entendit un bruit de pas. Des torches
montaient le flanc de la colline. Vingt samouraïs approchaient, Omi à leur
tête.
« Je suis désolé, Anjin-san, mais Omi-san
vous demande de lui donner vos pistolets.
— Dites-lui d’aller se faire foutre !
— Je ne peux pas, Anjin-san. Je n’ose pas
lui dire ça. »
Blackthorne garda sa main sur la crosse de son
pistolet. Ses yeux fixaient Omi. Il était volontairement resté assis sur les
marches de la véranda. Dix samouraïs étaient dans le jardin derrière Omi. Le
reste attendait près des palanquins. Fujiko se tenait derrière Blackthorne.
Elle avait le visage blanc comme un linge. « Sire Toranaga n’a jamais émis
d’objections à ce que je sois armé. »
Mariko dit nerveusement : « Oui,
Anjin-san, mais essayez de comprendre, je vous en prie. Ce qu’Omi-san dit est
vrai. Notre coutume veut que vous ne puissiez être armé en présence d’un daimyô. Yabu-san est votre ami, vous êtes son invité, ici.
— Dites à Omi-san que je ne lui donnerai
pas mes pistolets. » Elle garda le silence. La colère de Blackthorne
éclata. « Iyé, Omi-san ! Wakarimasu
ka ? Iyé ! »
Le visage d’Omi se renfrogna. Il hurla un
ordre. Deux samouraïs s’avancèrent, Blackthorne dégaina ses pistolets et visa
le visage d’Omi. Les deux soldats s’arrêtèrent.
« Iyé ! dit Blackthorne.
Dites-lui de les rappeler ou j’appuie sur la détente. »
Elle obéit. Personne ne bougea. Blackthorne se
leva lentement. Les pistolets ne changèrent pas de cible. Omi était tout à fait
calme. Ses yeux suivaient les mouvements félins de Blackthorne.
« Dites à Omi-san que si lui ou l’un de
ses hommes avance à moins de dix pas, je lui brûle la cervelle.
— Omi-san demande poliment : pour la
dernière fois, vous avez ordre de me donner ces pistolets.
— Iyé !
— Pourquoi ne pas les laisser ici,
Anjin-san ? Il n’y a rien à craindre. Personne ne touchera…
— Vous me prenez pour un idiot ?
— Alors, donnez-les à Fujiko-san !
— Que peut-elle faire ? Il les lui
prendra. N’importe qui les lui prendra. Je serai alors sans défense. »
La voix de Mariko se fit tranchante :
« Pourquoi ne m’écoutez-vous pas, Anjin-san ? Fujiko-san est votre
concubine. Si vous les lui donnez, elle
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