Shogun
peu
près l’équivalent de mille guinées d’or par an. Dix fois le salaire que me
versait la Compagnie hollandaise… Le panneau s’entrouvrit. Sa main chercha le
pistolet sous l’oreiller et se tint prête. Il perçut un bruissement
imperceptible de soie et sentit une bouffée de parfum.
« Anjin-san ? » Juste un
murmure, plein de promesses.
« Hai ? » Il fouillait
l’obscurité, incapable de discerner quoi que ce soit avec précision. Les pas se
rapprochèrent. Le bruit de quelqu’un qui s’agenouille, qui vous rejoint sous la
moustiquaire. Elle le rejoignit, lui saisit la main, la posa sur sa poitrine
puis la porta à ses lèvres.
« Mariko-san ? »
Elle chercha ses lèvres dans l’obscurité et
lui imposa silence. Il acquiesça, comprenant le risque immense qu’ils
couraient. Il lui tint le poignet et y frotta ses lèvres. Dans la nuit noire,
il chercha son visage de son autre main et se mit à le caresser. Elle embrassa
ses doigts, l’un après l’autre. Ses cheveux étaient défaits et lui tombaient
jusqu’à la taille. Blackthorne la caressait. La soie sur ce corps nu lui
procurait une merveilleuse sensation. Elle avait un goût délicieux. Sa langue
toucha ses dents, fit le tour de ses oreilles, partit à sa découverte. Elle lui
défit son kimono et se débarrassa du sien. Sa respiration se fit plus
langoureuse. Elle se rapprocha, se lova près de lui, tira les couvertures.
Elle se mit à l’aimer, de ses mains, de ses
lèvres, avec plus de tendresse, de recherche et de science qu’il n’en avait
connu jusque-là.
33
Blackthorne se réveilla à l’aube, seul. Il
crut d’abord qu’il avait rêvé mais le parfum flottait toujours dans la pièce.
Elle n’avait pas été le fruit de son imagination.
Un coup discret à la porte.
« Hai ?
— Ohayo, Anjin-san, gomen nasai. » Une
servante ouvrit le panneau coulissant, laissa passer Fujiko et entra avec un
plateau sur lequel il y avait du thé, un bol de gruau et de petits gâteaux de
riz.
« Ohayo, Fujiko-san, domo », dit-il.
Elle lui apporta le petit déjeuner
personnellement, souleva la moustiquaire et attendit pendant qu’il mangeait.
La servante disposa un kimono et un pagne
propres, des tabis près du futon où il était allongé. Il avala son thé, se demandant si Fujiko était au
courant de ce qui lui était arrivé la nuit précédente. Son visage ne laissait
rien paraître.
« Ikaga desu ka ? Comment
allez-vous ? demanda Blackthorne.
— Okagasama degenki desu, Anjin-san, anata wa ? Très bien, merci. Et vous ?
— Anata wa nemutta ka ? Avez-vous bien dormi ?
— Hai , Anjin-san , arigato
goziemashita . »
Elle sourit, porta la main à son front en
simulant la souffrance puis mima le fait d’avoir trop bu et d’avoir dormi comme
une souche.
« Anata wa ?
— Watashi wa yoku nemuru . J’ai très bien dormi. »
Elle le corrigea : « Watashi
wa yoku nemutta.
— Domo. Watashi wa yoku nemutta.
— Yoi ! Taihenyoi ! Bien.
Très bien.
Il entendit Mariko appeler :
« Fujiko-san ?
— Hai, Mariko-san ? »
Elle se dirigea vers le panneau qu’elle entrouvrit. Il ne voyait pas Mariko et
ne comprenait pas ce qu’elles se disaient. J’espère que personne n’est au
courant. J’espère que c’est un secret entre nous. Il serait peut-être
préférable d’avoir simplement rêvé. Il s’habilla. Fujiko revint.
« Mariko-san ? Nan
ja ?
— Nane mo, Anjin-san »,
répondit-elle. Ce n’était pas important.
Elle alla vers le Takonama, l’alcôve ornée d’un parchemin et d’un arrangement floral où étaient
rangées ses épées.
Elle les lui tendit. Il les ficha dans sa
ceinture. Les épées ne lui paraissaient plus ridicules. Il aurait pourtant aimé
les porter sans s’en rendre compte. Il sortit et passa sous la véranda. C’était
un jour gris et triste. Le ciel était bouché. Un vent chaud, humide soufflait
de la mer. Les dalles, dans l’allée du jardin, étaient mouillées. La pluie
était tombée durant la nuit. Les dix samouraïs de son escorte l’attendaient
dehors, avec Mariko.
Elle était déjà en selle et portait une cape
jaune clair sur des pantalons de soie vert pâle, un chapeau à larges bords
retenu par des rubans jaunes, une voilette et des gants. Un parapluie était
prêt dans sa sacoche de selle. Elle ne laissa à personne la possibilité de
soupçonner quoi que ce soit. Tout était comme avant. Son parfum l’envahit et
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