Shogun
s’exécutèrent au cri de « Kasigi ! ».
La forêt de lames d’acier s’arrêta à quelques
centimètres d’eux. Jozen et ses hommes riaient nerveusement devant cette
férocité soudaine.
« Bien, très bien », dit Jozen. Il
tendit la main et toucha les baïonnettes pointues et effilées.
« Vous avez peut-être raison, Yabu-sama.
Espérons que ça ne servira jamais.
— Omi-san ! cria Yabu. Reforme les
rangs ! Jozen-san va les passer en revue. Vous retournerez tous ensuite au
camp. Mariko-san, Anjin-san, suivez-moi ! » Il se fraya un passage.
Naga et ses deux cent cinquante samouraïs
restèrent là où ils étaient, baïonnette au canon, menaçants. Jozen se rebiffa.
« Que se passe-t-il ?
— Je trouve vos insultes intolérables,
lui dit Naga d’une voix venimeuse.
— C’est incroyable ! Je ne vous ai
pas insulté ! Je n’ai insulté personne. Ce sont vos baïonnettes qui sont
une insulte à mon rang ! Yabu-sama ! »
Yabu se retourna. Il était derrière les
samouraïs de Toranaga. « Naga-san ! cria-t-il. Qu’est-ce que tout
cela veut dire ?
— Je ne peux pardonner les insultes que
cet homme a proférées à l’égard de mon père et de moi-même.
— Il est protégé. Vous ne pouvez pas le
toucher. Il voyage sous protection du sceau des régents !
— Excusez-moi. Yabu-sama, mais c’est une
affaire entre Jozen-san et moi-même.
— Non. Vous êtes sous mes ordres. Je vous
ordonne de dire à vos hommes de retourner à leur campement. »
Pas un homme ne broncha. La pluie se mit à
tomber.
« Excusez-moi, Yabu-san, mais c’est une
affaire entre lui et moi. Je vous décharge de toute responsabilité, quoi qu’il
arrive. »
Derrière Naga, l’un des hommes de Jozen dégaina
son épée. Une rafale de mousquet lui arracha la tête. Les vingt hommes qui
venaient de tirer s’agenouillèrent pour recharger. Le second rang se prépara.
« Qui a ordonné d’utiliser de vraies
munitions ?
— Moi, moi, Yoshi
Naga-Noh-Toranaga !
— Naga-san ! Je vous ordonne de
laisser partir Nebara Jozen et ses hommes. Vous êtes consigné jusqu’à ce que
Sire Toranaga soit informé de votre insubordination.
— Vous en informerez, bien sûr, sire
Toranaga. Mais j’ai le regret de vous dire, Sire Yabu, que cet homme mourra
d’abord. Tous doivent mourir, aujourd’hui. »
Jozen hurla de terreur. « Je suis protégé
par les régents ! Vous ne gagnerez rien en me tuant !
— Je retrouverai au moins mon honneur, neh ? dit Naga. Je vous ferai payer vos sarcasmes et vos insultes.
Vous deviez mourir de toute façon. Neh ? Je ne
pouvais pas être plus clair, la nuit dernière. Vous avez maintenant vu une
attaque. Je ne peux pas prendre le risque qu’Ishido soit au courant. » Sa
main montra d’un geste le champ de bataille. « De cette horreur !
— Il le sait déjà ! laissa échapper
Jozen. Il le sait déjà ! J’ai envoyé un message par pigeon, à
l’aube ! Vous ne gagnerez rien en me tuant, Naga-san ! »
Naga fit signe à l’un de ses hommes qui
s’avança et jeta le pigeon étranglé aux pieds de Jozen. Puis une tête coupée.
C’était celle de Mazumoto, le samouraï envoyé la veille par Jozen avec le
parchemin. Les yeux étaient encore ouverts, les lèvres retroussées en une
grimace haineuse. La tête roula, passa au milieu des soldats et s’arrêta contre
une pierre. Jozen poussa en gémissement. Naga et ses hommes se mirent à rire.
Même Yabu sourit. Un autre samouraï de Jozen se jeta sur Naga. Vingt mousquets
le réduisirent au silence ; l’homme qui était près de lui et qui n’avait
pas bougé tomba lui aussi, mortellement atteint.
Les rires cessèrent.
Omi dit : « Dois-je donner ordre à
mes hommes d’attaquer, Sire ? »
Il avait été si facile de manipuler Naga. Yabu
essuya la pluie qui lui coulait sur la figure. « Ça ne mènerait à rien.
Jozen-san et ses hommes sont de toute façon morts, quoi qu’ils fassent. C’est
leur karma. Comme Naga-san a le sien.
Naga-san ! cria-t-il. Pour la dernière fois, je vous ordonne de les
laisser partir !
— Excusez-moi mais je dois vous désobéir.
— Très bien. Faites-moi un rapport quand
ce sera fini.
— Il faut un témoin officiel, Yabu-san.
Pour Sire Toranaga et Sire Ishido.
— Omi-san, tu restes ; tu signeras
le certificat de décès et tu diffuseras la nouvelle. Naga-san et moi-même le
contresignerons. »
Naga montra Blackthorne du doigt.
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