Shogun
enfermé dans un silence orgueilleux. Il avait encore une
fois fait son devoir proprement. Et il n’avait jamais tué de sa vie. Ses yeux
s’étaient concentrés sur le couteau. Il avait dénudé son ventre et prié pour
avoir le même courage que son amant. Les larmes aux yeux, il avait figé ses traits
et transformé son visage en un masque glacé et souriant. Il avait défait sa
ceinture, enveloppé partiellement la lame de son couteau pour s’assure :
une meilleure prise, mais parce qu’il avait bien fait son devoir, Naga avait
fait signe à l’un de ses lieutenants. Le samouraï s’était avancé et présenté en
s’inclinant : « Osaragi Nampa, capitaine de la neuvième légion de
sire Toranaga. Je serais très honoré d’être votre second.
— Ikomo Tadeo, lieutenant vassal de Sire
Ishido, avait répondu le jeune homme. Merci. Je suis très honoré de vous avoir
comme second. » Sa mort avait été rapide, indolore et honorable. On avait
ramassé les têtes. Jozen était revenu un peu plus tard à la vie et s’était
remis à hurler de douleur. Ils l’avaient abandonné aux chiens, venus du
village.
34
À l’heure du cheval, onze heures du matin, dix
jours après la mort de Jozen et de ses samouraïs, trois galères bourrées
d’hommes de troupe arrivèrent à Anjiro. Toranaga descendit à terre, Buntaro à
ses côtés.
« J’aimerais tout d’abord voir un
exercice d’attaque, Yabu-san, avec les cinq cents mousquetaires déjà entraînés,
dit-il. Tout de suite !
— Ne pourrait-il pas avoir lieu
demain ? Ça me laisserait le temps de me préparer », dit Yabu,
affable. Il était intérieurement furieux de la soudaineté de cette arrivée et
hors de lui, car ses espions ne l’avaient pas prévenu. Il avait juste eu le
temps de se précipiter au port avec une garde d’honneur. « Vous devez être
fatigué…
— Je ne suis pas fatigué, merci. Je n’ai
pas besoin de “défenseurs”, de hurlements ou de “fausses morts”. Vous oubliez,
mon vieil ami, que j’ai joué suffisamment de pièces du théâtre nô pour savoir
me servir de mon imagination. Je ne suis pas un paysan- ronin ! Ordonnez, je vous prie, cette démonstration. Tout de suite ! »
Ils étaient sur la plage, près du quai. Toranaga était entouré par ses
samouraïs d’élite. C’était une journée chaude. Le ciel était sans nuages.
Quelques moutons ourlaient la surface de la mer. L’horizon était enveloppé de
brumes de chaleur.
« Igurashi, veillez à ce que le
nécessaire soit fait ! » Yabu contint sa rage. Depuis le premier
message qu’il avait envoyé relatant l’arrivée de Jozen, onze jours auparavant,
peu de choses avaient filtré. Ses espions, à Yedo, n’avaient rien pu lui
communiquer en dehors des réponses acerbes et vagues de Toranaga à ses appels
de plus en plus urgents. « Votre message a été bien reçu ; il est à
l’étude. » « Choqué par les nouvelles concernant mon fils ;
attendez instructions. » « Les responsables de la mort de Jozen seront
punis ; ils doivent rester à leurs postes jusqu’à ce que j’en parle à sire
Ishido. » Et hier, la bombe : « J’ai reçu aujourd’hui une
invitation du nouveau Conseil des régents pour l’ikebana d’Osaka. Quand comptez-vous partir ? Tenez-moi au courant.
— Ça ne veut pas dire que Toranaga y
va ? » Avait demandé Yabu, éberlué.
— Il vous oblige à prendre parti, avait
dit Igurashi. Quoi que vous disiez, vous tombez dans son piège.
— Je suis d’accord, avait dit Omi.
— Pourquoi n’avons-nous pas de nouvelles
de Yedo ? Qu’est-il arrivé à nos espions ?
— C’est comme si Toranaga avait recouvert
tout le Kwanto d’une couverture, lui avait dit Omi. Peut-être sait-il qui sont
vos espions !
— C’est le dixième jour, aujourd’hui,
Sire, avait rappelé Igurashi à Yabu. Tout est prêt pour votre départ pour
Osaka. Voulez-vous partir, oui ou non ? »
Là, sur la plage, Yabu bénit son kami gardien qui l’avait persuadé d’accepter le conseil d’Omi
et d’attendre jusqu’au dernier jour. Il lui restait encore trois jours.
« En ce qui concerne votre dernier
message, Toranaga-sama, celui qui m’est parvenu hier, dit-il. Vous n’allez pas
vous rendre à Osaka ?
— Vous y allez ?
— Vous êtes le chef. J’attends, bien sûr,
votre décision.
— Ma décision est simple, Yabu-sama. La
vôtre est difficile.
Si vous y allez, les régents vous
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