Shogun
Demandez-lui
d’arrêter. »
— Omi-san demande si vous êtes disposé à bien vous tenir ?
— Oui.
— Il demande si vous allez obéir à ses ordres ?
— Dans la mesure du possible, oui. »
Omi se remit à parler. Le père Sebastio posa une question et
Omi acquiesça. « Il veut que vous lui répondiez directement. « Hai » veut dire « oui » en japonais. Il demande si vous allez obéir à ses
ordres ?
— Dans la mesure du possible, hai. »
Le feu commençait à réchauffer l’eau. Un hurlement sinistre
s’échappa de la bouche du garçon. Les flammes léchaient le métal. On rajouta du
bois.
« Omi-san demande que vous vous allongiez par terre.
Immédiatement. » Blackthorne s’exécuta.
« Omi-san dit qu’il ne vous avait pas insulté
personnellement. Vous n’aviez donc aucune raison de l’insulter. Parce que vous
êtes un barbare et que vous ne savez encore rien, vous n’allez pas être
exécuté. Mais on va vous apprendre les bonnes manières. Vous comprenez ?
— Oui.
— Il veut que vous lui répondiez directement. »
Le jeune garçon émit un cri plaintif qui se prolongea
pendant un instant. Puis il s’évanouit. L’un des samouraïs lui tint la tête
hors de l’eau. Blackthorne leva les yeux et regarda Omi. Souviens-toi, se
dit-il, souviens-toi que le sort du gosse ne repose qu’entre tes mains, que la vie de chacun des membres de ton équipage ne repose
qu’entre tes mains.
« Vous comprenez ?
— Hai. »
Il vit Omi entrouvrir son kimono et extraire son pénis du
pagne. Il s’attendait à ce qu’il lui pisse en pleine figure, mais Omi n’en fit
rien. Il lui pissa dans le dos . Par le Seigneur Dieu, se
jura Blackthorne, je me souviendrai de ce jour. Omi me le paiera.
« Pour Omi-san, ce sont de mauvaises manières de dire
que l’on pisse sur quelqu’un. Très mauvaises. De plus, il est stupide de dire
que l’on va pisser sur quelqu’un quand on est sans défense et pas disposé à
laisser les siens ou ses amis mourir d’abord. »
Blackthorne ne dit rien, mais ne quitta pas Omi des yeux.
« Wakarimasu ka ? lui dit Omi.
— Il vous demande si vous comprenez ?
— Hai.
— Okiro !
— Il vous demande de vous lever. »
Blackthorne se releva. Sa tête le faisait souffrir. Ses yeux
ne quittaient pas Omi qui le fixait.
« Vous irez avec Mura et vous obéirez à ses
ordres. »
Blackthorne ne répondit pas.
« Wakarimasu ka ? dit Omi, menaçant.
— Hai. » Blackthorne mesurait la distance
qui les séparait. Il sentait déjà ses doigts autour du cou et sur le visage de
cet homme. Il espéra être assez fort et assez rapide, le jour venu, pour lui
arracher les yeux avant de se les faire arracher lui-même. « Et le
gosse ? »
Le prêtre parla d’une traite à Omi qui
jeta un coup d’œil vers le chaudron. L’eau était à peine tiède. Le garçon
s’était évanoui, mais il n’était pas blessé. « Sortez-le de là,
ordonna-t-il. Allez chercher un docteur, si besoin est. »
Ses hommes obéirent. Il vit Blackthorne s’approcher du jeune
homme et écouter son cœur.
Omi fit signe au prêtre. « Dites au chef que le garçon
peut rester dehors, aujourd’hui. S’ils savent se tenir tous les deux, un autre
barbare pourra sortir du trou, demain. Puis un autre. Peut-être un. Peut-être plus. Peut-être. Tout dépend de leur comportement. Mais vous… »
Il regarda Blackthorne dans le blanc des yeux. « Vous êtes responsable de
toute infraction à l’ordre ou à la règle. Compris ? »
Une fois que le prêtre eut traduit, Omi entendit le barbare
dire : « Oui. » Il vit aussi la colère disparaître de son regard.
Mais la haine subsista. « Prêtre, quel est son nom déjà ? Prononce-le
lentement. »
Il l’entendit prononcer le nom plusieurs fois, mais ça
n’était que charabia.
« Tu arrives à le prononcer ? » demanda-t-il
à l’un de ses hommes.
— Non, Omi-san.
— Prêtre, dis-lui que son nom est Anjin, à
partir d’aujourd’hui. Ça veut dire “pilote”, neh ? Nous l’appellerons Anjin-san quand il le méritera. Explique-lui bien
qu’il n’existe pas de sons adéquats dans notre langue nous
permettant de prononcer son nom correctement, ajouta Omi, très sèchement.
Insiste bien sur le fait que ce n’est pas une insulte que nous lui faisons. Au
revoir, Anjin, pour le moment. » Ils le saluèrent tous. Il rendit poliment
le salut et s’en alla. Quand il fut
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