Si c'est un homme
instrument entre ses mains.
Je sais qu'aujourd'hui Henri est vivant. Je donnerais beaucoup pour connaître sa vie d'homme libre, mais je ne désire pas le revoir.
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EXAMEN DE CHIMIE
J.JE Kommando 98, dit Kommando de Chimie, était censé être une section de spécialistes.
Le jour où on annonça officiellement sa création, un groupe clairsemé de quinze Häftlinge se rassembla autour du nouveau Kapo, place de l'Appel, dans l'aube grise.
Ce fut pour nous une première déception : le Kapo était encore un « triangle vert », un criminel de profession, l'Arbeitsdienst n'ayant pas jugé bon de mettre un Kapo-chimiste à la tête du Kommando de Chimie. Ce n'était pas la peine de se fatiguer à lui poser des questions, il n'aurait pas répondu, ou bien il aurait répondu à grand renfort de hurlements et de coups de pied. D'un autre côté, sa faible corpulence et sa taille inférieure à la moyenne nous rassuraient.
Il nous gratifia d'un bref discours, dans un grossier allemand de caserne, et notre déception fut confirmée.
Alors comme ça c'était nous, les chimistes : bon, eh ben lui, c'était Alex, et si on croyait que ça allait être le Pérou, on se gourait. Primo, tant que la production n'aurait pas commencé, le Kommando 98 serait un simple Kommando-transports préposé au magasin de Chlorure de Magnésium. Secundo, si on s'imaginait, parce qu'on était des Intelligenten, des intellectuels, qu'on allait se payer sa tête, à lui, Alex, un Reichsdeutscher, eh bien, Herrgottsacrament, il nous ferait voir, lui, il nous... (et, le poing fermé et l'index tendu, il fendait l'air obliquement, du geste de menace des Allemands) ; tertio, il ne fallait pas compter tromper son monde si on s'était présenté
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comme chimiste sans l'être; il y avait un examen, oui messieurs, dans quelques jours; un examen de chimie, devant le triumvirat de la Section Polymérisation : le Doktor Hagen, le Doktor Probst, le Doktor Ingénieur Pannwitz.
Bon, on avait perdu assez de temps comme ça, Meine Herren, les Kommandos 96 et 97 étaient déjà en route ; alors, en avant marche, et pour commencer, ceux qui ne marcheraient pas au pas et en rang auraient affaire à lui.
C'était un Kapo comme tous les autres Kapos.
Quand on sort du Lager et qu'on passe devant la fanfare et le poste des SS, on marche en rang par cinq, le calot à la main, les bras au corps, le cou tendu, et on n'a pas le droit de parler. Ensuite, on se met trois par trois, et alors on peut tenter d'échanger quelques mots au milieu du claquement des dix mille paires de sabots en bois. Qui sont mes compagnons de Kommando ? Celui qui marche à côté de moi, c'est Alberto, étudiant de troisième année ; nous avons réussi encore une fois à ne pas être séparés. Le deuxième à ma gauche, je ne l'ai jamais vu ; il semble très jeune, il a un teint cireux et il porte le numéro des Hollandais. Devant moi, trois dos également inconnus. Derrière, mieux vaut ne pas se retourner, je pourrais perdre la cadence ou trébucher; je m'y risque tout de même, juste le temps d'entrevoir le visage d'Iss Clausner.
Tant qu'on marche, on n'a pas le temps de penser, il faut veiller à ne pas marcher sur les sabots de celui qui claudique devant vous, et à éviter que celui qui claudique derrière en fasse autant sur les vôtres ; de temps en temps il faut enjamber un câble ou contourner une flaque boueuse. Je sais où nous sommes, je suis déjà
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passé par là avec mon ancien Kommando, c'est la H-Strasse, la rue des entrepôts. Je le dis à Alberto : on va vraiment au Chlorure de Magnésium, ça au moins c'est sûr. Nous sommes arrivés, nous descendons dans un vaste sous-sol humide et plein de courants d'air ; il s'agit du siège du Kommando, qu'ici on appelle la Bude. Le Kapo nous divise en trois équipes ; quatre pour décharger les sacs du wagon, sept pour les transporter en bas, quatre pour les empiler dans l'entrepôt. Ces quatre-là, c'est nous, Alberto, Iss, le Hollandais et moi.
Finalement on peut parler, et à chacun de nous le discours d'Alex fait l'effet du rêve d'un fou.
Avec ces visages vides, ces crânes rasés, ces habits de honte, passer un examen de chimie ! Et ce sera en allemand, bien sûr : et nous devrons comparaître devant quelque blond Doktor aryen en espérant ne pas avoir à nous moucher, parce que lui ne sait peut-être pas que nous n'avons pas de mouchoir, et nous ne pourrons certainement pas le lui
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