Si c'est un homme
», mais je ne me rappelle plus si ça vient avant ou après.
L'auteur-‐protagoniste
cite
de
mémoire
et
s'éloigne
donc
parfois
légèrement
du
texte
original.
Le
plus
haut
dard
de
cette
flamme
antique
En
murmurant
commença
de
vibrer,
Comme
un
flambeau
que
tourmente
le
vent,
Puis
çà
et
là
en
agitant
sa
crête.
Comme
s'il
fût
la
langue
qui
parlait,
il
émit
au-‐dehors
une
voix
et
nous
dit
:
«
Quand...
»
Avant
qu'Énée
ainsi
ne
l'eût
nommée,
la
pitié
De
mon
vieux
père,
ou
cet
amour
juré
Qui
devait
réjouir
le
cœur
de
Pénélope
.
Mais
je
repris
la
mer,
la
haute
mer
ouverte.
«
MISI
me
»
:
littéralement,
«
je
me
mis
moi-‐même
»,
la
tournure
grammaticale
soulignant
l'intervention
de
la
volonté,
comme
l'indique
le
commentaire
qui
suit.
– 142 –
Et puis le voyage, le téméraire voyage au-delà des colonnes d'Hercule, que c'est triste, je suis obligé de le raconter en prose : un sacrilège. Je n'en ai sauvé qu'un vers, mais qui mérite qu'on s'y arrête :
...« Acciô che l'uom piû oltre non si metta (2). »
« Si metta » : il fallait que je vienne au Lager pour m'apercevoir que c'est le même tour que tout à l'heure : «
e misi me ». Mais je n'en parle pas à Jean, je ne suis pas sûr que ce soit une remarque importante. Il y aurait tant d'autres choses à dire, et le soleil est déjà haut, midi approche. Je suis pressé, furieusement pressé.
J'y suis, attention Pikolo, ouvre grands tes oreilles et ton esprit, j'ai besoin que tu comprennes :
« Considerate la vostra semenza
Fatti non foste a viver corne bruti
Ma per seguir virtute e conoscenza (3). »
Et c'est comme si moi aussi j'entendais ces paroles pour la première fois : comme une sonnerie de trompettes, comme la voix de Dieu. L'espace d'un instant, j'ai oublié qui je suis et où je suis.
Pikolo me prie de répéter. Il est bon, Pikolo, il s'est rendu compte qu'il est en train de me faire du bien. à moins que, peut-être, il n'y ait autre chose : peut-être que, malgré la traduction plate et le commentaire sommaire et hâtif, il a reçu le message, il a senti que ces paroles le concernent, qu'elles concernent tous les hommes qui souffrent, et nous en particulier ; qu'elles nous concernent nous deux, qui osons nous arrêter à ces choses-là avec les bâtons de la corvée de soupe sur les épaules.
(2)
avec
cette
poignée
D'amis
qui
ne
m'avaient
jamais
abandonné.
(3)
Afin
que
nul
n'osât
se
hasarder
plus
loin.
Considérez
quel e
est
votre
origine
:
Vous
n'avez
pas
été
faits
pour
vivre
comme
brutes.
Mais
pour
ensuivre
et
science
et
vertu.
– 143 –
« Li miei compagni fec'io si acuti... (1) »
... et je m'efforce, mais en vain, d'expliquer tout ce qu'il y a dans cet « acuti ». Ici encore une lacune, irréparable cette fois. «... Lo lume era di sotto délia luna (2) » ou quelque chose comme ça; mais avant?... Aucune idée, « keine Ahnung » comme on dit ici. Que Pikolo m'excuse, j'ai oublié au moins quatre tercets.
— Ça ne fait rien, vas-y tout de même.
« La terra lagrimosa diede vento... (3) », non, c'est autre chose. Il est tard, il est tard, nous voilà aux cuisines, il faut conclure :
« Tre volte il fe' girar con tutte l'acque,
Alla quarta levar la poppa in suso
E la prora ire in giû, corne altrui piacque... (4) »
Je retiens Pikolo : il est absolument nécessaire et urgent qu'il écoute, qu'il comprenne ce « corne altrui piacque » avant qu'il ne soit trop tard ; demain lui ou moi nous pouvons être morts, ou ne plus jamais nous revoir ; il faut que je lui dise, que je lui parle du Moyen Age, de cet anachronisme si humain, si nécessaire et pourtant si inattendu, et d'autre chose encore, de quelque chose de gigantesque que je viens d'entrevoir à l'instant seulement, en une fulgurante intuition, et qui contient peut-être l'explication de notre destin, de notre présence ici aujourd'hui...
«... Quando mi apparve una montagna, bruna
Per la distanza, e parvemi alta tanto
Che mai veduta non ne avevo alcuna (5). »
(1)
J'avais
si
fort
excité
mes
amis...
(2)
La
face
de
la
lune
avait
reçu
le
jour.
(3)
De
la
terre
des
pleurs
un
grand
vent
s'éleva…
(4)
Par
trois
fois
dans
sa
masse
elle
la
fît
tourner
:
Mais
à
la
quarte
fois,
la
poupe
se
dressa
Et
l'avant
s'abîma,
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