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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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particulière. C’était surtout des vacances. On se baladait sur les plages, à l’extérieur de Chu Lai, on faisait des patrouilles de garde et très peu d’embuscades nocturnes. Ce dont rêvaient tous les soldats. Il n’y avait pas de Viêt-congs, pas de mines, il y avait du soleil, l’eau où l’on se baignait était bien chaude, on se faisait approvisionner deux fois par jour en lait et en bières. On formait une sorte de cirque ambulant. Toute une file de gosses et de nanas du coin nous suivait d’un banc de sable à l’autre, et tout ce beau monde essayait de nous refourguer des Coca, des photos de cul, nettoyait nos armes, et tout ça en échange d’une boîte de ration C. Pendant la journée, on jouait au foot. Il y avait deux ou trois amoureux qui traînaient sous leur poncho avec des Vietnamiennes. Elles flirtaient, ce qui créait de la jalousie et des ressentiments. Quand on changeait de coin, notre colonne s’étendait sur un demi-kilomètre, c’était rempli de soldat, de prostituées, de filles qui portaient des sacs de Coca, d’enfants qui portaient nos sacs à dos, et même, parfois, nos fusils. À la tombée de la nuit, les enfants creusaient nos trous. Chaque soldat avait sa mascotte attitrée, son valet. Mon assistant, c’était un petit gars qui s’appelait Champion. Il avait sept ans, peut-être même moins, mais il savait démonter et nettoyer mon fusil et il me massait très bien les épaules.
    Au cours de ce premier mois, on m’a appris que PDN, ça voulait dire « putain de nouveau », et que j’en serais un jusqu’à l’arrivée de la nouvelle cargaison du Centre de combat. J’ai appris que, sur le terrain, les soldats sont aussi fainéants, aussi imprudents et aussi débiles que les gars qui ne sont pas au casse-pipe. Ils ne portent leur casque et leur gilet pare-balles que lorsque les officiers insistent ; ils s’endorment quand ils sont de garde, et, en règle générale, tout le monde s’en fout ; ils balancent leurs munitions ou alors ils les enterrent quand elles deviennent trop lourdes ou quand il fait trop chaud. J’ai appris que EDP, ça voulait dire « enculé de planqué » ; qu’un gars commence à se « rapprocher » au bout de son troisième ou quatrième mois ; qu’une grenade, en fait, c’est une « frag » ; qu’il suffit d’une seule balle et que « t’entends jamais le coup de feu qui te dégomme » ; qu’il y en a pas un, dans la compagnie Alpha, qui connaît ou qui en a quoi que ce soit à foutre de connaître le but de cette guerre : c’est juste un truc sur « les Niakoués et les Bridés », et l’idée, c’est juste de les tuer ou de les esquiver. Sauf que dans la compagnie Alpha, on ne tue pas un mec, on le « dégomme ». On ne se fait pas mutiler par une mine, on se fait « baiser ». On n’appelle pas un gars par son prénom – c’est le Kid, ou le Bison d’Eau, Buddy Wolf, Buddy Barker ou Buddy Barney, ou alors, si le type est complètement creux ou détesté de tous, c’est juste Smith, Jones ou Rodriguez. Les sous-offs qui font un programme super-rapide de deux mois pour gagner leurs galons, on les qualifie de «  sous-offs instantanés » ; c’est donc pour ça qu’on appelait les chefs de groupe de la section « Bombes Chantilly », « Nesquik » ou « Panure à Poulet ». Et quand deux d’entre eux – Tom et Arnold – se sont fait tuer, deux mois plus tard, on a un peu allégé et dépersonnalisé le drame en racontant que la vieille Bombe à Chantilly et l’instantané se sont fait dégommer par les Niakoués. Il y avait Flic – un Irlandais qui voulait entrer dans la police de Danbury, dans le Connecticut –, Reno, le Rital, et Joe, l’étudiant. Tu peux vivre un an au Viêtnam, vivre avec une section de soixante ou soixante-dix gars, avec des types qui arrivent, d’autres qui partent, et tu peux partir sans connaître plus d’une douzaine de noms en entier, parce que, bon, ça n’a pas d’importance.
    Mark le Cinglé, c’était le chef de la section, un premier lieutenant et un Béret Vert. Difficile de savoir si c’était un nom comme ça ou si cette appellation était vraiment motivée. La folie chez Mark le Cinglé, en tout cas, c’était pas une folie de nature hystérique, délirante, complètement barrée ou tape-à-l’œil. Il était au contraire tellement calme que ça en paraissait dingue. Il ne montrait jamais aucun signe de peur. C’était un soldat

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