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Si je meurs au combat

Si je meurs au combat

Titel: Si je meurs au combat Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tim OBrien
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avait enfin trouvé l’ennemi.
    Johansen était heureux. Le 48 e  bataillon viêt-cong lui avait fait perdre un bon paquet de gars. Il allait enfin pouvoir prendre sa revanche.
    Rodriguez, l’un des opérateurs radio, s’est mis à proférer un truc en espagnol, avant de passer à l’anglais, et il a pointé le doigt en face de nous. Il y avait trois silhouettes qui sortaient du hameau sur la pointe des pieds. Ils étaient à vingt mètres de nous, recroquevillés, les épaules rentrées.
    C’est la première et dernière fois ou j’ai vu des ennemis, les gars qui essayaient de me tuer, en chair et en os. Johansen a murmuré :
    — Visez bien en bas ; quand vous ratez votre coup, c’est parce que vous tirez au-dessus de la cible.
    On était debout, bien droit, en ligne, comme si on faisait un concours.
    J’ai confronté du regard la silhouette d’un être humain. En appuyant sur la gâchette du fusil, il ne m’est pas venu à l’esprit qu’un type allait mourir.
    Je ne haïssais pas ce type, pas plus que je ne voulais le voir mourir, mais j’avais peur de lui.
    Johansen a tiré. J’ai tiré.
    Les silhouettes ont disparu dans les éclats qui jaillissaient de la gueule de mon canon. Johansen a hurlé pour nous dire de foutre nos M-16 en position automatique et là, on s’est mis à canarder des centaines de balles dans la rizière. Il y en a un qui leur a balancé une grenade.
    À l’aube, le capitaine Johansen et le lieutenant de l’artillerie sont allés voir et ils ont trouvé un type avec un trou dans la tête. Il n’avait pas d’arme. L’homme mort transportait un petit sac rempli de papiers, de riz, de tabac, de poisson en boîte, et il portait un uniforme bleu-gris. C’est en tout cas ce que Johansen a dit quand il a fait son rapport. Je ne voulais pas regarder. Je me demandais ce que les deux autres types, les deux chanceux, avaient fait après la volée. Je me demandais s’ils s’étaient arrêtés pour aider le mort, si sa mort les avait rendus fous de rage, ou si ça leur avait simplement foutu les foies en pensant qu’ils pouvaient eux aussi y passer. Je me demandais si le type mort appartenait à la même famille que les autres et, si c’était le cas, ce que ça avait dû leur faire de l’abandonner, comme ça, allongé dans le riz. J’espérais que ce type ne s’appelait pas Li.
    Johansen et le lieutenant parlaient des détails techniques de l’embuscade. Ils étaient d’accord : elle s’était déroulée à la perfection. Le fait qu’on n’avait pas réussi à faire mieux qu’un sur trois, alors que les cibles étaient tellement grandes, tellement visibles, ça les agaçait un peu. Mais c’était pas grave. La section avait d’autres ennemis morts à son actif. Ils discutaient de tout cela, les officiers étaient contents de leur réussite, et nous, on était soulagés de voir que ce cauchemar prenait fin, et c’est là que mon pote Chip et un chef de section dénommé Tom se sont fait exploser en mille morceaux pendant qu’ils nettoyaient le village avec la troisième section.
    Ce fut l’embuscade la plus réussie de la compagnie Alpha.

X

LE TYPE PRÈS DU PUITS
    C’était juste un vieillard, un vieux fermier vietnamien. Il avait plus de soixante-dix ans, les cheveux blancs, le dos voûté, cassé à cause de ces longues années de travail dans les rizières, et sa colonne vertébrale formait maintenant une courbe permanente, calcifiée. Il était aveugle. Ses yeux étaient énormes, vides, ils brillaient comme de l’aluminium au soleil, cautérisés et brûlés. Mais le vieillard arrivait à se débrouiller tout seul.
    En mars, on est allés à son puits. Le vieux était planté là avec un grand sourire pendant qu’on prenait de l’eau. Il se marrait quand on se marrait. Pour nous faire plaisir, il nous disait :
    — De la bonne eau pour les bons soldats.
    Dès qu’il en avait l’occasion, il répétait sa petite rengaine.
    Des enfants sont venus au puits, et l’un d’entre eux, une petite fille avec les cheveux noirs et de grands anneaux en fer aux oreilles, a pris la main du vieux bonhomme pour l’aider à se déplacer. Les gamins se marraient en voyant nos corps nus. L’un des garçons a sorti le fusil d’un soldat de la boue, il l’a essuyé, l’a posé contre un arbre, et le vieillard a souri.
    La compagnie Alpha a décidé de passer la journée dans le village du vieux bonhomme. On était tranquillement allongés dans sa paillote, et

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