Sir Nigel
hurlement de
douleur, la main embrochée sur le trait. Comme il la brandissait
furieusement vers ses ennemis, une seconde flèche lui érafla le
poignet. D’un coup de pied brutal, il fit basculer le jeune Alspaye
par-dessus le parapet, se pencha un moment pour suivre son agonie,
puis s’éloigna lentement en tenant sa main blessée, sous la pluie
incessante des flèches martelant ses dossières.
Les archers, rendus furieux par la mort de
leurs compagnons, sautaient et hurlaient comme des loups
affamés.
– Par saint Dunstan, fit Percy en
regardant autour de lui, si jamais nous devons l’emporter, je crois
que voici le moment, car rien ne pourra arrêter ces hommes si c’est
la haine qui les fait avancer.
– Vous avez raison, Thomas, cria Knolles.
Rassemblez immédiatement vingt hommes d’armes avec leur bouclier
pour les protéger. Astley, disposez les archers de façon qu’aucune
tête ne puisse paraître ni aux fenêtres ni sur le parapet. Nigel,
ordonnez aux paysans d’avancer avec leurs fagots. Que les autres
apportent le tronc de sapin qui se trouve derrière la ligne des
chevaux. Dix hommes d’armes le porteront à droite, et dix à gauche,
avec leur bouclier au-dessus de la tête. Dès que la porte sera
enfoncée, que tous les hommes se précipitent. Et que Dieu soutienne
la bonne cause !
Les dispositions furent rapidement prises car
il s’agissait de vieux soldats dont le travail quotidien consistait
à faire la guerre. Les archers se formèrent en petits groupes
devant chaque crevasse de la muraille, tandis que d’autres épiaient
soigneusement les remparts, lançant une flèche dès qu’une tête
apparaissait. La garnison fit tomber une pluie de carreaux
d’arbalète et de pierres lancées par leurs machines, mais la
riposte était si mortelle que les hommes n’avaient guère le temps
de viser, si bien que leurs décharges furent maladroites et
inoffensives. Sous le couvert des traits des archers, une file
continue de paysans se dirigea vers le bord du fossé. Chacun
portait un gros faisceau de branchages qu’il y jetait, et
s’empressait de retourner en chercher un autre. Vingt minutes plus
tard, un large passage de fagots menait du bord du fossé jusqu’à la
porte. Ce travail n’avait coûté la vie qu’à deux paysans atteints
par des carreaux d’arbalètes et à un archer qu’une pierre avait
touché. La place était prête pour le bélier.
Dans un grand cri, vingt piquiers se
précipitèrent avec le tronc de pin sous le bras, l’extrémité la
plus large tournée vers la porte. Les arbalétriers de la tour se
penchèrent et tirèrent dans le tas, mais sans parvenir à les
arrêter. Deux d’entre eux tombèrent, mais les autres levèrent leurs
boucliers et continuèrent de courir en criant, franchirent le pont
de fagots et heurtèrent la porte qui se fendilla de haut en bas,
mais resta en place.
Faisant balancer leur arme puissante, ils
continuèrent de marteler les battants que chaque coup descellait un
peu et qui se crevassaient chaque fois un peu plus. Les trois
chevaliers, avec Nigel, le Français et les autres écuyers, se
tenaient à côté du bélier, excitant les hommes de la voix et
rythmant le balancement d’un « Ha ! » puissant à
chaque coup. Un gros morceau de roc lâché des remparts s’effondra
et frappa Sir James Astley et un autre des assaillants, mais Nigel
et le Français prirent aussitôt leur place, et le bélier continua
de marteler l’entrée avec plus de force encore. Un autre coup, et
encore un ! La partie inférieure avait déjà été arrachée, mais
la grande barre centrale résistait toujours. Cependant elle allait
se détacher d’une minute à l’autre.
Mais soudain un véritable déluge liquide vint
d’en haut. Un tonneau tout entier avait été déversé si bien que
soldats, pont et boucliers se trouvèrent également trempés d’une
matière jaunâtre. Knolles y frotta son gantelet qu’il porta ensuite
à son armet, sous le ventail, et qu’il huma.
– Reculez ! Reculez !
cria-t-il. Vite, avant qu’il soit trop tard !
Une petite fenêtre munie de barreaux s’ouvrait
au-dessus de leurs têtes sur le côté de la porte. Quelque chose y
scintilla, puis une torche fut jetée. En une seconde l’huile
s’enflamma ainsi que tout ce qu’elle avait touché : le sapin
qu’ils portaient, les fagots sous leurs pieds, leurs armes mêmes
brûlaient.
Les hommes bondirent à gauche et à droite dans
le fossé asséché, se
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