Sir Nigel
se livrer à aucune attaque contre
vous. Quant aux hommes qu’il vous a pris, il les enrôlera à son
service, car il a grand besoin d’archers et a beaucoup entendu
parler de leur adresse. Mais si vous lui désobéissez ou lui causez
déplaisir en demeurant devant son château, il vous avertit que ces
trois hommes seront pendus et que trois autres le seront chaque
jour, jusqu’à ce que tous aient péri. Il en a fait serment sur la
croix du Calvaire et ce qu’il a juré de faire, il le fera.
Robert Knolles regarda le messager en
grimaçant.
– Vous pouvez remercier tous les saints
d’avoir ma parole, sans quoi je vous aurais arraché ce tabard
mensonger et vous aurais marqué le dos pour faire à votre maître la
réponse qui convient. Dites-lui que je le tiens, lui et tous ceux
qui se trouvent dans ce château, comme otages pour la vie de mes
hommes et que, s’il ose leur faire le moindre tort, lui et tous ses
hommes seront pendus. Allez, et allez vite, car je pourrais perdre
patience.
Il y avait dans les froids yeux gris de
Knolles et dans sa façon de prononcer les dernières paroles quelque
chose qui fit retourner le héraut plus vite qu’il n’était venu. À
peine avait-il disparu dans le portail, que le pont se relevait en
grinçant derrière lui.
Quelques minutes plus tard, un rude gaillard
barbu parut à côté des trois archers prisonniers. Saisissant le
premier par les épaules, il le fit basculer par-dessus le mur. Un
cri s’échappa des lèvres de l’homme et un grondement de celles de
ses camarades en bas. En arrivant au bout de la corde, il fit un
bond qui le renvoya presque à mi-hauteur puis, après avoir dansé
pendant un moment comme un polichinelle, il se mit à balancer
doucement d’avant en arrière, les membres mous et la nuque
brisée.
Le bourreau se retourna et fit une révérence
moqueuse vers les spectateurs au-dessous de lui. Mais il n’avait
pas encore appris la force ni la puissance des arcs anglais. Une
demi-douzaine d’hommes, parmi lesquels se trouvait le vieux Wat,
avaient couru vers le mur. Ils arriveraient trop tard peut-être
pour sauver leurs camarades, mais au moins leur mort serait vite
vengée. L’homme allait s’en prendre au second prisonnier,
lorsqu’une flèche lui traversa la tête, l’affalant, occis, sur le
parapet. Mais, en tombant, il avait donné la poussée fatale, et la
seconde silhouette rousse se balança à côté de la première sur le
fond noirâtre de la muraille.
Il ne restait plus que le jeune Johnny Alspaye
qui se tenait là, tremblant de frayeur, avec un abîme devant lui
et, derrière, les hurlements de rage de ceux qui voulaient l’y
faire basculer. Il y eut une longue pause avant que quelqu’un se
décidât à affronter ces flèches mortelles. Puis un homme se
précipita et se servit du corps du jeune garçon comme d’un
bouclier.
– Écarte-toi, John !
Écarte-toi ! lui crièrent ses camarades.
Le jeune garçon bondit aussi loin que la corde
le lui permettait. Trois flèches sifflèrent aussitôt à ses oreilles
et deux d’entre elles vinrent se ficher dans le corps de l’homme
derrière lui. Un hurlement de plaisir jaillit de la plaine
lorsqu’il tomba à genoux d’abord, puis sur la face. Vie pour vie,
le marché n’était pas trop mauvais.
Mais l’adresse de ses camarades n’avait donné
qu’un bref répit au jeune garçon. Au-dessus du parapet apparut
alors une boule d’airain, puis deux larges épaules du même métal
et, enfin, la silhouette complète d’un homme revêtu d’une armure.
Il s’avança vers le bord, et tous entendirent les ricanements qui
accueillaient les flèches s’écrasant et se brisant sur
l’impénétrable maille. Il se frappa le plastron de la main en se
gaussant. Il savait fort bien que, à pareille distance, aucun trait
ne pourrait transpercer les plaques métalliques. Ainsi se tenait
l’immonde boucher de la Brohinière, la tête haute, le rire insolent
devant ses ennemis. Puis, d’un pas lent et mesuré, il s’avança vers
la dernière victime, la saisit par l’oreille et la tira jusqu’à ce
que la corde fût tendue. Mais, remarquant que le nœud avait glissé
sur le visage du jeune garçon lorsque celui-ci avait bondi, il
tenta de le remettre en place ; et, comme son gant le gênait,
il le retira et ce fut de la main nue qu’il lui passa la corde au
cou.
La flèche de Wat était partie comme l’éclair
et le boucher fit un bond en arrière en poussant un
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