Sir Nigel
que vous
veniez aussi… Là, nous voici hors d’atteinte maintenant. Mais voyez
donc, Nigel, mon ami : quels sont les gens qui se trouvent sur
cette hauteur ?
Le soleil s’était couché à l’occident mais,
sur l’horizon rougeoyant, une vingtaine de silhouettes se
détachaient. Un groupe de cavaliers apparut sur la colline. Ils se
mirent à descendre vers la vallée et furent aussitôt suivis de
fantassins.
– Ce sont les miens ! s’écria
joyeusement Nigel. Venez, mon ami. Hâtons-nous d’aller prendre
conseil sur ce qu’il faut faire.
Sir Robert Knolles chevauchait à une portée de
flèche devant ses hommes et il avait les sourcils froncés. À côté
de lui, le visage découragé, le cheval saignant, l’armure bosselée
et souillée, se tenait le chevalier à la tête chaude, Sir James
Astley. Ils étaient engagés dans une vive discussion.
– J’ai accompli mon devoir du mieux que
j’ai pu, fit Astley. À moi seul, j’en tenais dix à la pointe de
l’épée. Je ne sais comment il se fait que je sois encore vivant
pour le raconter.
– Quel est votre devoir envers moi ?
Où sont mes trente archers ? s’écria Knolles en colère. Dix
d’entre eux gisent morts à terre et les vingt autres ne valent
guère mieux dans ce château là-bas. Et tout cela parce qu’il a
fallu que vous montriez aux hommes à quel point vous étiez
audacieux ! Vous êtes allé vous jeter dans une embuscade qu’un
enfant aurait vue. Hélas, ai-je été moi-même assez fou pour avoir
confiance en vous et vous confier le commandement de mes
soldats !
– Par Dieu, sir Robert, vous m’en
répondrez pour ces paroles. Jamais un homme n’a osé me parler de la
façon dont vous le fîtes aujourd’hui.
– Aussi longtemps que j’exécuterai
l’ordre du roi, je serai le maître, et, sur ma foi, James, je vous
pendrai à l’arbre le plus proche, si j’ai encore raison de me
plaindre de vous… Holà, Nigel ! Ah, je vois à ce cheval blanc
que vous au moins ne m’avez point failli. Je veux vous parler à
l’instant. Percy, amenez vos hommes et rassemblons-nous autour de
ce château car, sur le salut de mon âme ! je ne m’en irai
point que je n’en aie retiré mes archers ou que j’aie en main la
tête de celui qui me les a pris.
Cette nuit-là, les Anglais se tinrent serrés
autour de la forteresse pour empêcher quiconque d’en sortir. Mais
il n’était guère aisé de découvrir le moyen d’y pénétrer, car elle
était pleine d’hommes, les murailles étaient hautes et épaisses, et
elle était entourée d’un grand fossé asséché. Pourtant les Anglais
se rendirent bientôt compte de la haine que le maître de l’endroit
avait fait naître dans le pays : durant toute la nuit en
effet, des hommes vinrent de toutes parts, des bois et des
villages, offrir leurs services dans la prise du château. Knolles
les chargea de couper des branchages et de les mettre en fagots.
Lorsque vint le jour, il se dirigea vers la muraille et tint
conseil avec ses chevaliers et ses écuyers sur le moyen de forcer
la place.
– Pour midi, dit-il, nous aurons assez de
fagots pour franchir le fossé. Nous enfoncerons alors la porte et
tenterons de prendre pied.
Le jeune Français était venu avec Nigel pour
assister à la conférence. Et dans le silence qui suivit la
proposition du commandant, il demanda la permission de parler. Il
était revêtu de l’armure que Nigel avait prise au Furet Rouge.
– Il ne me sied peut-être point de
prendre part à votre conseil, dit-il, étant français et prisonnier
de guerre. Mais cet homme est l’ennemi de tout le monde et il porte
une dette aussi lourde envers la France qu’envers vous, puisque
nombre de bons Français ont péri dans ses caves. C’est donc pour
cette raison que je demande à pouvoir parler.
– Nous vous écoutons, répondit
Knolles.
– Je suis arrivé d’Évran aujourd’hui.
Messires Henri Spinnefort, Pierre La Roye et maints autres
vaillants chevaliers et écuyers se trouvent là, avec de nombreux
hommes. Et chacun d’eux se joindrait à vous avec plaisir pour
réduire à néant ce boucher dont les méfaits ne sont que trop connus
et déplorés. Ils disposent également de mangonneaux qu’ils
pourraient amener dans ces collines et qui serviraient à abattre
cette porte de fer. Si vous voulez m’en donner l’ordre, je me
rendrai à Évran et ramènerai mes compagnons.
– En effet, Robert, fit Percy, j’ai dans
l’esprit que le
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