Sir Nigel
terre. Par deux fois, ils entendirent son léger
sifflement avertisseur, et ils cessèrent le travail. Après une
heure, ils parvinrent à une arche de pierre qui constituait la
partie extérieure de la voûte du tunnel. C’était un gros obstacle,
car il faudrait peut-être longtemps pour détacher une pierre ;
et, si le travail n’était pas terminé au lever du jour, leur
entreprise était vouée à l’échec. Ils firent sauter le mortier au
moyen d’une dague et parvinrent à dégager une petite pierre qui
leur permit de s’attaquer plus facilement aux autres. Un trou, plus
noir que la nuit qui les entourait, s’ouvrait à leurs pieds, et ils
n’en pouvaient toucher le fond avec leurs épées. Ils avaient ouvert
le tunnel.
– Je voudrais y entrer le premier, fit
Nigel. Je vous prie donc de m’aider à descendre.
Ils le soutinrent de toute la longueur de
leurs bras puis, après l’avoir lâché, ils l’entendirent atterrir
sain et sauf au fond. Une seconde plus tard, l’aveugle donnait le
signal d’alarme.
– J’entends des pas, dit-il. Ils sont
loin encore mais ils se rapprochent.
Simon poussa la tête et le cou dans
l’ouverture.
– Squire Loring, m’entendez-vous ?
murmura-t-il.
– Je t’entends, Simon.
– Andreas dit que quelqu’un vient.
– Couvre vite l’ouverture. Vite, je te
prie, couvre-la !
Un manteau fut jeté sur le trou afin qu’aucun
rai de lumière ne pût avertir le nouveau venu. Cependant il était à
redouter qu’il eût entendu Nigel tomber dans le passage. Mais il
fut bientôt clair qu’il n’en était rien, car Andreas annonça qu’il
continuait d’avancer. Nigel pouvait entendre le lointain bruit de
pas. S’il portait une lanterne, tout était perdu. Mais nul rayon de
lumière n’apparut dans le tunnel et les pas approchaient
toujours.
Nigel murmura une prière de remerciement à ses
saints patrons tout en s’écrasant contre la muraille, attendant
sans respirer, la dague à la main. Les pas se faisaient de plus en
plus proches. Il pouvait percevoir la respiration de l’autre dans
le noir. Puis, au moment où il passa, Nigel bondit, tel un tigre.
Il y eut un sursaut d’étonnement suivi du silence, car la poigne
puissante de l’écuyer serrait la gorge de l’homme dont le corps
était plaqué immobile contre le mur.
– Simon, Simon ! cria Nigel à haute
voix.
Le manteau fut enlevé du trou.
– As-tu une corde ? Sinon, vos
ceintures mises bout à bout pourraient faire l’affaire.
L’un des paysans avait une corde et Nigel la
sentit bientôt danser contre sa main. Il tendit l’oreille mais il
n’y avait pas le moindre bruit dans le passage. Pendant un instant,
il relâcha la gorge du prisonnier. Il n’en sortit qu’un torrent de
prières et de supplications. L’homme tremblait comme une feuille
dans le vent. Nigel lui pressa la pointe de sa dague sur le visage
en lui conseillant de ne point ouvrir la bouche. Après quoi, il lui
passa la corde sous les bras et l’attacha.
– Remontez-le ! souffla-t-il.
Pendant un moment l’ouverture grisâtre
au-dessus de lui fut obscurcie.
– Nous l’avons, messire, fit Simon.
– Alors, descendez-moi la corde et
tenez-la bien.
Un moment plus tard, Nigel et ses hommes
entouraient le prisonnier. Il faisait trop noir pour distinguer son
visage. Simon lui passa la main sur la figure. Elle était grasse
mais bien rasée. Un long vêtement lui pendait jusque sur les
chevilles.
– Qui es-tu ? demanda-t-il. Dis la
vérité et parle bas, si tu veux parler encore.
L’homme se mit à claquer des dents.
– Je ne parle pas anglais !
murmura-t-il.
– Le français alors, fit Nigel.
– Je suis un saint prêtre de Dieu. Vous
encourez le ban de la sainte Église en portant la main sur moi. Je
vous prie de me laisser aller voir ceux que je dois entendre en
confession et à qui je dois donner l’extrême-onction. S’ils
devaient mourir en état de péché, vous auriez leur condamnation sur
la conscience.
– Quel est votre nom ?
– Je suis Dom Pierre de Cervolles.
– De Cervolles, l’archiprêtre, celui qui
a attisé le brasier quand on m’a brûlé les yeux ! s’écria
Andreas. De tous les diables de l’enfer, il n’en est point de pires
que lui ! Mes amis, mes amis, si je vous ai bien servi cette
nuit, je ne demande pour toute récompense que de pouvoir disposer à
mon gré de cet homme.
Mais Nigel repoussa le vieillard.
– Nous n’avons point le temps
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