Sir Nigel
ai-je vu, sinon mon grand
gaillard au visage pâle, aux cheveux roux et à la petite touche de
feu de saint Antoine sur la joue. Que pensez-vous de cela, squire
Nigel ?
– Que cet homme est passé du château dans
la redoute.
– En vérité, c’est ce qu’il a fait. Il
n’existe pas dans le monde deux hommes marqués comme lui. Mais s’il
est passé du château à la redoute, ce n’est point au-dessus du sol
puisque nos hommes étaient là.
– Par saint Paul ! Je vois ce que tu
veux dire, s’écria Nigel. Tu crois qu’il existe un passage sous
terre.
– J’en suis certain.
– Ainsi, enlevons la redoute, et nous
pourrons emprunter ce passage qui nous mènera à l’intérieur du
château.
– Cela pourrait se faire, mais ce serait
dangereux car, sans aucun doute, ceux du château nous entendront
attaquer la redoute. Ils barricaderont le passage et tueront les
prisonniers.
– De ce fait, que
conseilles-tu ?
– Si nous pouvions découvrir où se trouve
le passage, squire Nigel, je ne vois pas ce qui nous empêcherait de
creuser pour y descendre. Ainsi, le château et la redoute seraient
tous deux à notre merci avant même qu’ils le sussent.
Nigel battit des mains.
– Pardieu ! Que voilà un beau
plan ! Mais hélas ! Simon, je ne vois point comment nous
pourrions déterminer le tracé de ce passage, ni où creuser pour
l’atteindre.
– J’ai là-bas des paysans avec des
pelles. Il y a aussi deux de mes amis : Harding de Barnstatle
et John des comtés de l’Ouest, qui attendent avec leur équipement.
Si vous voulez nous conduire, squire Nigel, nous sommes prêts à
risquer nos vies dans l’aventure.
Mais que dirait Knolles s’ils
échouaient ? Cette pensée traversa l’esprit de Nigel, aussitôt
suivie d’une autre. Il ne se risquerait point trop avant, à moins
d’avoir des chances de succès. Et, s’il s’y risquait, il y jouerait
sa vie. Agissant ainsi, il ferait amende honorable pour ses
erreurs. En revanche, si le succès couronnait ses efforts, Knolles
lui pardonnerait son échec devant la porte. L’instant d’après, il
avait chassé tous les doutes de son esprit et, guidé par Simon le
Noir, s’avançait dans l’obscurité.
Les deux autres hommes d’armes les attendaient
en dehors du camp et tous quatre continuèrent ensemble. Un petit
groupe de silhouettes se dessina dans l’obscurité. Le ciel était
couvert de nuages et une lourde pluie tombait, dissimulant et le
château et la redoute. Mais, durant le jour, Simon avait placé une
pierre comme point de repère. Ils surent donc quand ils se
trouvèrent entre les deux.
– Andreas l’aveugle est-il là ?
demanda Simon.
– Oui, messire, j’y suis, fit une
voix.
– Cet homme, expliqua Simon, était
autrefois riche et de bonne réputation. Mais il fut réduit à la
mendicité par ce brigand de seigneur qui, dans la suite, lui fit
perdre la vue pour l’obliger à vivre durant de longues années dans
l’ombre en se contentant de la charité des autres.
– Mais comment peut-il nous aider dans
notre entreprise s’il n’y voit ? demanda Nigel.
– C’est justement pour cette raison qu’il
peut nous être d’une plus grande utilité qu’un autre, bon seigneur,
car il se fait souvent que, lorsqu’un homme perd un sens, Dieu
aiguise les autres. Ainsi donc, Andreas est doué d’une ouïe telle
qu’il peut entendre la sève monter dans un arbre, voire une souris
trotter dans son trou. Il est venu nous aider à trouver le
passage.
– Et je l’ai trouvé, fit l’aveugle
fièrement. Voici, j’ai placé mon bâton sur la ligne qu’il suit. Par
deux fois, alors que j’étais couché avec mon oreille sur le sol,
j’ai entendu marcher par-dessous.
– J’espère que tu ne te trompes point,
bonhomme, fit Nigel.
Pour toute réponse, l’homme saisit son bâton
et en frappa deux coups sur le sol, une fois à droite et une fois à
gauche. L’un rendit un son plein, l’autre un son creux.
– N’entendez-vous point cela ?
demanda-t-il. Me demanderez-vous encore si je me trompe ?
– En fait nous te sommes grandement
redevables pour ce service, répondit Nigel. Que les paysans
commencent à creuser aussi silencieusement que possible. Et toi,
Andreas, garde l’oreille sur le sol afin de nous prévenir si
quelqu’un passe en dessous.
Ainsi donc, sous la pluie qui tombait, le
petit groupe se mit au travail dans l’obscurité. L’aveugle restait
étendu, le visage à
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