Sir Nigel
de
nous. Je jure de vous attendre jusqu’à ce que vous ayez accompli
vos trois gestes et que nous puissions alors nous revoir. Au cas où
– mais le Christ vous en garde ! vous succomberiez dans
l’accomplissement de ces gestes, je jure encore de prendre le voile
au couvent de Shalford et de ne jamais plus porter le regard sur un
autre homme. Donnez-moi la main, Nigel.
Elle avait retiré de son bras un petit
bracelet fait d’un filigrane d’or qu’elle fixa sur le poignet
bronzé tout en lui lisant le texte français qui y était
gravé : « Fais ce que dois, advienne que pourra – c’est
commandé au chevalier. » Pendant un moment ils se tinrent
enlacés et, au milieu de leurs baisers, cet homme aimant et cette
tendre femme se jurèrent un éternel amour. Mais le vieux chevalier
les appelait à grands cris. Ils descendirent donc en courant le
petit sentier courbe qui les mena où les attendaient les
chevaux.
Sir John chevaucha aux côtés de Nigel jusqu’au
croisement de la route de Shalford sans cesser de l’abreuver de
conseils sur la connaissance de la forêt, tant il redoutait de le
voir confondre un brocard avec un daguet, et l’un ou l’autre avec
une biche. Enfin, lorsqu’ils parvinrent sur la berge du Wey
couverte de roseaux, le vieux chevalier et sa fille arrêtèrent
leurs montures. Nigel leur jeta un dernier regard avant de pénétrer
dans la sombre forêt de Chantry et il les vit qui le suivaient
encore des yeux, en lui faisant adieu de la main. Puis la piste
tourna entre les arbres et il les perdit de vue. Mais, un peu plus
tard, lorsqu’une nouvelle clairière dégagea les pâtures de
Shalford, Nigel aperçut le vieil homme qui, sur la jument grise,
remontait vers le sanctuaire de Sainte-Catherine, mais la jeune
fille se tenait toujours à l’endroit où il l’avait quittée, penchée
sur sa selle et tentant de percer l’obscurité de la forêt qui
dérobait à ses yeux celui qu’elle aimait. Ce ne fut qu’une rapide
vision dans la trouée du feuillage, cependant, après des jours de
combats et de fatigues en pays lointains, cette petite image – la
verte prairie, les roseaux, la lente rivière bleue au cours sinueux
et la gracieuse silhouette sur le cheval blanc – devait rester la
plus claire et la plus chère de cette Angleterre qu’il avait
laissée derrière lui.
Mais si les amis de Nigel avaient appris que
ce matin-là était celui de son départ, ses ennemis aussi étaient en
éveil. Les deux compagnons avaient à peine quitté les bois de
Chantry, s’engageant sur la piste qui s’élevait vers la vieille
chapelle du Martyr, que, tel un serpent lançant son sifflement, une
longue flèche blanche vint se ficher dans l’herbe verte entre les
pattes de Pommers. Une autre siffla aux oreilles de Nigel au moment
où il voulut faire demi-tour, mais Aylward cravacha la croupe du
grand cheval de guerre, qui parcourut au galop plusieurs centaines
de yards avant que son cavalier pût l’arrêter. Aylward suivit comme
il put, couché sur l’encolure de sa monture, sous les flèches qui
continuaient de siffler alentour.
– Par saint Paul ! fit Nigel blanc
de rage en tirant sur les rênes, ils ne vont tout de même pas me
chasser de mon pays comme un vulgaire brigand ! Archer,
comment as-tu osé cravacher mon cheval alors que j’allais faire
volte-face pour m’élancer sur eux ?
– J’ai bien fait d’agir de la sorte ou,
par mes dix doigts ! notre voyage aurait commencé et se serait
terminé le même jour. En jetant un coup d’œil autour de moi, j’en
ai vu une douzaine au moins, cachés dans les buissons. Voyez comme
la lumière reluit maintenant sur leurs casques d’acier, là-bas dans
la fougère sous le hêtre. Non, mon bon maître, je vous prie de ne
point aller plus avant. Quelle chance un homme exposé peut-il avoir
contre toute une bande bien installée sous le couvert ? Si
vous ne pensez point à vous-même, songez du moins à votre cheval
qui aurait quelques pouces de bois dans la peau avant que d’avoir
pu atteindre le bois.
Nigel éclata en une impuissante colère.
– Me faudra-t-il donc me laisser abattre
comme un papegai à la foire par le premier hors-la-loi venu qui
cherche une cible pour sa flèche ? Par saint Paul !
Aylward, je vais mettre mon armure et liquider cette affaire.
Aide-moi donc à m’en revêtir.
– Non, mon bon seigneur, je ne vous
aiderai point dans ce qui serait votre perte. C’est un jeu de dés
pipés
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