Sir Nigel
qu’un combat entre un homme monté et des archers dissimulés
dans la forêt. Mais ces gens ne sont point des hors-la-loi, car ils
n’oseraient point tirer leur arc dans un rayon de moins d’une lieue
du shérif de Guildford.
– Oui, Aylward, je crois que tu dis vrai.
Il se peut que ce soient là les hommes de Paul de la Fosse, à qui
j’ai donné quelque raison de ne me point aimer… Ah ! mais, en
effet, voici le gaillard lui-même.
Ils tournèrent aussitôt le dos à la longue
pente menant à la vieille chapelle sur la colline. Devant eux se
trouvait la sombre orée de la forêt où les éclairs jetés par
l’acier trahissaient les ennemis tapis dans l’ombre. Mais il y eut
un long meuglement lancé par un olifant et aussitôt, tout un groupe
d’archers vêtus de tissus de bure se déploya en une longue ligne en
cherchant à se refermer sur les voyageurs. Au milieu se tenait,
monté sur un grand cheval gris, un petit homme difforme, criant et
gesticulant comme un chasseur lançant sa meute derrière un
blaireau, tournant la tête de tous côtés en hurlant, le bras tendu
pressant les hommes d’escalader la colline.
– Attirez-les, mon bon seigneur !
Attirez-les jusqu’à ce que nous les tenions dans le down !
cria Aylward, les yeux scintillants de joie. Cinq cents pas encore
et nous pourrons nous occuper d’eux. Allons, ne traînez pas, mais
tenez-vous tout juste hors de portée des flèches, en attendant que
notre tour soit venu d’entrer en action.
Nigel frémissait d’impatience en suivant des
yeux, la main sur la garde de son épée, les hommes qui couraient.
Mais il se souvint à ce moment que Chandos lui avait dit que la
tête valait mieux pour le guerrier que le cœur chaud. Les paroles
d’Aylward étaient sages. Il fit donc pivoter Pommers et, au milieu
des cris de dérision derrière eux, les deux amis se mirent à
trotter vers le haut de la colline. Les archers aussitôt coururent
plus vite, exhortés par les cris de colère de leur chef. Aylward à
chaque instant lançait un coup d’œil derrière lui par-dessus son
épaule.
– Encore un peu plus loin ! Un peu
plus loin ! Ils ont le vent contre eux, et les sots n’ont
point réfléchi que mon arc peut porter à cinquante pas de plus que
les leurs. Et maintenant, mon bon seigneur, veuillez tenir les
chevaux car mon arme aujourd’hui a plus de valeur que la vôtre. Ce
sont d’autres cris qu’ils vont pousser avant d’avoir pu regagner
l’abri de la forêt.
Il avait sauté à bas de son cheval et, avec
une torsion du bras vers le bas et une poussée du genou, il glissa
la corde dans l’entaille supérieure de son grand arc. Puis, vif
comme l’éclair, il prit une flèche et l’ajusta, l’œil bleu luisant
sous le sourcil froncé. Les jambes écartées et solidement plantées,
le corps porté sur l’arc, le bras gauche aussi immobile que s’il
eût été de bois, le bras droit ramassé en une double masse de
muscles bandant la corde blanche soigneusement cirée, il avait
l’air d’un si valeureux guerrier que la ligne d’assaut s’arrêta un
moment à sa vue. Deux ou trois hommes décochèrent leurs flèches qui
luttèrent lourdement contre le vent et tombèrent sur le sol à
plusieurs douzaines de pas devant leur cible. Un seul d’entre eux,
un bonhomme court sur jambes et dont la silhouette trapue dénotait
une grande force musculaire, fit rapidement quelques pas en avant
et lâcha un trait si puissant qu’il vint se ficher dans le sol aux
pieds mêmes d’Aylward.
– C’est Will le Noir de Lynchmere !
J’ai participé à plus d’un concours avec lui, et je sais très bien
qu’il n’est point un autre homme dans les marches du Surrey qui
puisse décocher un trait pareil. Je crois que tu as de la chance,
Will, car je te connais depuis trop longtemps pour avoir ta
damnation sur ma conscience.
Il leva son arc tout en parlant et la corde se
détendit en un son musical, riche et profond. Aylward se pencha sur
son arme, en suivant des yeux la longue trajectoire de sa
flèche.
– Sur lui ! Sur lui ! Non,
au-delà ! Il y a plus de vent que je ne le croyais ! Non,
non, mon ami, maintenant que je connais la distance, tu n’as plus
aucune chance de tirer.
Will le Noir avait déjà pris une autre flèche
et levait son arc quand le second trait d’Aylward lui traversa
l’épaule au-dessus du bras. Il lâcha son arme avec un hurlement de
rage et de douleur et se mit à sauter en brandissant le poing
Weitere Kostenlose Bücher