Sir Nigel
nouvelles
telles qu’elles ne pourront qu’apporter la joie à chacun de vous.
Vous savez que nos vaisseaux ont subi de grandes pertes de la part
des Espagnols, qui durant de nombreuses années ont massacré sans
pitié tous ceux de mes gens qui tombaient entre leurs mains
cruelles. Dernièrement ils ont envoyé leurs navires dans les
Flandres et trente grandes prames et galères se trouvent
actuellement à Sluys, bourrées d’archers et d’hommes d’armes prêts
à la bataille. J’ai appris aujourd’hui de source sûre que, après
avoir chargé tous ces hommes, les bateaux prendront la voile
dimanche prochain et se dirigeront vers le pas de Calais. Trop
longtemps, nous avons souffert de ces gens qui nous ont fait subir
mille torts et sont devenus plus arrogants à mesure que nous nous
faisions plus patients. J’ai donc songé que nous pourrions
retourner en hâte dès demain à Winchelsea, où nous avons vingt
bateaux, et nous préparer à mettre à la voile pour les surprendre
lorsqu’ils passeront. Que Dieu et saint Georges défendent le
droit !
Un second hurlement, plus puissant et plus
perçant que le premier, s’éleva comme un coup de tonnerre après que
le roi eut prononcé ces paroles. C’était l’aboiement d’une fière
meute à son chasseur.
Édouard rit de nouveau en promenant un regard
circulaire sur tous ces yeux étincelants, ces bras agités, ces
visages que la joie de ses liges rendait écarlates.
– Qui a déjà combattu ces
Espagnols ? demanda-t-il. Est-il quelqu’un ici qui puisse nous
dire quelle sorte d’hommes ils sont ?
Une douzaine de mains se levèrent, mais le roi
se tourna vers le comte de Suffolk à côté de lui.
– Vous les avez combattus,
Thomas ?
– Oui, sire. J’ai pris part il y a huit
ans au grand combat naval de l’île de Guernesey, quand Lord Louis
d’Espagne tint la mer contre le comte de Pembroke.
– Et comment les avez-vous jugés,
Thomas ?
– D’excellents soldats, sire, et personne
ne pourrait trouver mieux. Sur chaque bateau ils ont une centaine
d’arbalétriers de Gênes, les meilleurs au monde ; leurs
hallebardiers aussi sont très hardis. Du haut des mâts, ils
déverseront une grande quantité de fer et nombre de nos gens y
trouveront la mort. Si nous pouvons leur barrer le chemin dans le
pas de Calais, il y aura beaucoup d’honneur à gagner pour nous.
– Vos paroles nous font grand plaisir,
Thomas, et je ne doute point qu’elles ne se révèlent dignes de ce
que nous préparons. Je vous donne donc un navire pour que vous en
preniez le commandement. Vous aussi, mon cher fils, vous en aurez
un afin d’y gagner plus d’honneur encore. Le bateau commandant sera
le mien. Mais vous en aurez tous un : vous, Walter Manny, et
vous, Stafford, et vous, Arundel, et vous, Audley, et vous, sir
Thomas Holland, et vous, Brocas, et vous, Berkeley, et vous,
Reginald. Le reste sera distribué à Winchelsea, vers où nous ferons
voile dès demain… Alors, John, pourquoi me tirez-vous ainsi par la
manche ?
Chandos était penché, le visage anxieux.
– Très honoré seigneur, je ne vous ai
point servi pendant si longtemps et si fidèlement pour que vous
m’oubliiez maintenant. N’y a-t-il donc point de bateau pour
moi ?
Le roi sourit mais secoua la tête.
– Voyons, John, ne vous ai-je point donné
deux cents archers et cent hommes d’armes à emmener avec vous en
Bretagne ? Je crois que vos bateaux mouilleront à Saint-Malo
bien avant que les Espagnols arrivent à Winchelsea. Que voulez-vous
de plus, vieux soldat ? Mener deux guerres à la
fois ?
– Je voudrais me trouver à votre côté,
monseigneur, lorsque la bannière au lion flottera de nouveau au
vent. C’est toujours là que je me suis trouvé. Pourquoi me
repousseriez-vous maintenant ? Je ne demande que peu de chose,
cher seigneur, une galère, une palandrie ou ne serait-ce même
qu’une pinasse, mais au moins que je sois là.
– Bien, John, vous viendrez. Je n’ai
point le cœur de vous dire non. Je vous trouverai une place sur mon
propre bateau, afin que vous soyez vraiment à mon côté.
Chandos s’inclina et baisa la main du roi.
– Et mon écuyer ? demanda-t-il.
Les sourcils du roi aussitôt se
froncèrent.
– Ah non ! Qu’il aille en Bretagne
avec les autres ! Je m’étonne, John, que vous me rappeliez ce
jeune homme dont l’impertinence m’est encore trop fraîche à la
mémoire. Mais il faut que quelqu’un aille en Bretagne à
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