Sir Nigel
lion rampant
d’azur des Percy, les hirondelles d’argent d’Arundel, le chevreuil
de gueules des Montacute, l’étoile des de Vere, les coquilles
d’argent de Russel, le lion de pourpre de Lacy et les croix de
sable de Clifton.
Un écuyer jovial assis au côté de Nigel lui
murmura les noms des vaillants guerriers.
– Vous êtes le jeune Loring de Tilford,
l’écuyer de Chandos, n’est-ce pas ? demanda-t-il. Je m’appelle
Delves et je viens de Doddington, dans le Cheshire. Je suis
l’écuyer de Sir James Audley, cet homme au dos arrondi là-bas, qui
a un visage sombre et une courte barbe. On voit une tête de
Sarrasin au-dessus de lui.
– J’ai entendu parler de lui comme d’un
homme de grand courage, fit Nigel en le considérant avec
intérêt.
– Je n’en suis guère étonné, maître
Loring. Je le crois le chevalier le plus courageux de toute
l’Angleterre et même de toute la chrétienté. Aucun homme n’a
accompli des actions d’éclat comme lui.
Nigel contempla son nouvel ami avec une lueur
d’espoir qui illumina ses yeux.
– Vous parlez comme il sied de le faire
au sujet de votre maître, lui dit-il. Pour la même raison, maître
Delves, et sans aucun esprit de mauvaise volonté contre vous, il
convient que je vous dise qu’il n’est point à comparer, ni par le
nom ni par la renommée, au noble chevalier que je sers. Et si vous
mainteniez le contraire, nous pourrions en débattre de la manière
qu’il vous plaira et au moment que vous choisirez.
Delves eut un sourire amusé.
– Non, ne vous emportez point ainsi,
dit-il. Si vous aviez servi tout autre chevalier, sauf peut-être
Sir Walter Manny, je vous aurais pris au mot, et votre maître ou le
mien aurait à se choisir un nouvel écuyer. Mais il est vrai, en
effet, qu’aucun chevalier ne possède la valeur de Chandos et je ne
voudrais point tirer l’épée pour prétendre le contraire… Ah, mais
la coupe de Sir James doit être vide ! Il me faut aller m’en
assurer.
Il s’éloigna avec un flacon de vin de Gascogne
à la main.
– Le roi a reçu de bonnes nouvelles, ce
soir, reprit-il en revenant. Je ne l’avais pas vu d’aussi bonne
humeur depuis le soir où il prit les Français et posa une couronne
de perles sur la tête de Ribeaumont. Voyez comme il rit, et le
prince aussi. Il est quelqu’un pour qui ce rire ne présage rien de
bon, ou je me trompe fort. Faites attention, l’assiette de Sir John
est vide.
Ce fut au tour de Nigel de se retirer mais,
chaque fois qu’il le pouvait, il retournait dans le coin d’où il
avait loisir de voir toute la salle et d’écouter le vieil écuyer.
Delves était un petit homme épais, d’un certain âge déjà, au visage
tanné par le temps et marqué de cicatrices, aux manières rudes et
d’un comportement qui prouvait à suffisance qu’il se sentait plus à
l’aise sous la tente que dans cette salle. Mais dix années de
service lui avaient appris beaucoup, et Nigel lui prêta la plus
grande attention.
– En effet, le roi a de bonnes nouvelles,
poursuivit-il. Voyez, il a murmuré quelque chose à Chandos et à
Manny. Ce dernier le transmet à Sir Reginald Cobham qui le répète à
Robert Knolles. Et tous sourient comme le diable qui va jouer un
bon tour à un moine.
– Qui est Sir Robert Knolles ?
demanda Nigel avec intérêt. J’ai souvent entendu mentionner son nom
et ses exploits.
– C’est ce grand homme en soie jaune,
avec un visage dur. Il n’a point de barbe, mais la lèvre fendue. Il
n’est qu’un peu plus âgé que vous-même, et son père était savetier
à Chester, mais il a su gagner ses éperons d’or. Voyez comme il
plonge la main dans le plat et lève son gobelet. Il est plus
habitué à la cuisine des camps qu’à la vaisselle d’argent. Le gros
homme à la barbe noire est Sir Bartholomew Berghersh, dont le frère
est l’abbé de Beaulieu. Vite, car voici qu’arrive une hure de
sanglier et les tranchoirs doivent être changés.
Les manières de table, chez nos ancêtres
d’alors, présentaient un curieux mélange de luxe et de barbarie. La
fourchette était encore inconnue et était remplacée par les doigts
de courtoisie, le pouce, l’index et le médium de la main gauche. Se
servir de n’importe quel autre doigt était faire preuve d’un manque
absolu de politesse. De nombreux chiens assistaient aux festins,
grognant, grondant et se disputant les os à demi rongés que leur
jetaient les convives. Des tranchoirs, ou
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