Sir Nigel
votre
place, car la chose est urgente et nos gens là-bas ont bien des
difficultés à se maintenir.
Ses yeux parcoururent l’assemblée et
s’arrêtèrent sur les traits graves de Sir Robert Knolles.
– Sir Robert, dit-il, bien que vous soyez
jeune par le nombre des années, vous êtes déjà un vieil habitué des
guerres et il m’est revenu aux oreilles que vous étiez aussi
prudent lors des conseils que hardi dans les combats. C’est donc
vous que je charge de cette expédition en Bretagne en lieu et place
de Sir John Chandos qui m’accompagnera et vous ira rejoindre là-bas
dès que nous en aurons terminé sur les eaux. Trois vaisseaux
mouillent dans le port de Calais et vous disposez de trois cents
hommes. Sir John vous dira ce que nous pensons de l’affaire. Et
maintenant, mes amis et bons camarades, retournez au plus vite dans
vos appartements et préparez-vous car, aussi vrai que Dieu est mon
droit, je ferai voile vers Winchelsea dès demain.
Après un léger signe à Chandos, à Manny et à
quelques-uns de ses préférés, le roi les conduisit dans une petite
pièce intérieure où ils échafaudèrent des plans pour l’avenir. Puis
la grande assemblée se dispersa, les chevaliers en silence et avec
dignité, les écuyers dans l’allégresse et le bruit, mais tous avec
la joie au cœur en songeant aux grandes journées qui les
attendaient.
Chapitre 17 LES ESPAGNOLS SUR MER
Le jour n’était pas encore levé que déjà Nigel
se trouvait dans la chambre de Chandos, préparant le départ de son
maître, tout en écoutant ses derniers conseils. Et ce même matin,
avant que le soleil eût parcouru la moitié de sa course, la grande
nef du roi, le
Philippa
, renfermant la plus grande partie
de ceux qui avaient assisté au festin de la veille, hissait son
immense voile ornée des léopards d’Angleterre et des lys de France
puis tournait sa proue d’airain vers la mère patrie. Elle fut
suivie de cinq prames bourrées d’écuyers, d’archers et d’hommes
d’armes.
Nigel et ses compagnons étaient alignés sur
les remparts du château et agitaient leurs bonnets vers l’immense
et puissant vaisseau qui gagnait lentement le large, dans le
roulement des tambours et les éclats de trompes, avec plus de cent
bannières de chevaliers flottant au-dessus de son pont, surmontées
par la grande croix rouge d’Angleterre. Puis, lorsque les bateaux
eurent disparu, ils se retournèrent, le cœur lourd d’avoir été
délaissés, et allèrent se préparer à prendre le départ pour leur
propre aventure.
Il leur fallut quatre jours d’un travail ardu
avant que les préparatifs fussent terminés, car nombreux étaient
les besoins d’un petit ost faisant voile vers un pays étranger.
Trois bateaux leur avaient été laissés : le
Thomas
de
Romney, le
Grâce-Dieu
de Hythe et le
Basilisk
de
Southampton, dans chacun desquels cent hommes prirent place en plus
des trente matelots qui constituaient l’équipage. Il y avait aussi
quarante chevaux, parmi lesquels Pommers, rendu maussade par un
long désœuvrement et regrettant les coteaux du Surrey où ses
membres puissants pouvaient se livrer à l’exercice qui leur
convenait. Puis il y eut le ravitaillement et l’eau, les arcs, les
faisceaux de flèches, les fers à cheval, les clous, marteaux,
couteaux, haches et cordes, les tonneaux de fourrage et de verdure
et beaucoup d’autres choses. Toujours à côté des bateaux, se tenait
le jeune chevalier Sir Robert, notant, vérifiant, observant et
contrôlant, ne parlant que très peu car c’était un homme taciturne
qui ne s’exprimait qu’avec les mains ou les yeux ou, lorsqu’il le
fallait, avec sa cravache.
Les matelots du
Basilisk
, appartenant
à un port libre, avaient une vieille inimitié contre les hommes des
Cinq Ports, injustement favorisés par le roi aux yeux des autres
mariniers d’Angleterre. Un bateau des comtés occidentaux ne pouvait
que rarement en rencontrer un autre venant d’un port de la mer du
Nord sans que le sang coulât. Il s’éleva donc des querelles sur les
quais lorsque ceux du
Thomas
et du
Grâce-Dieu
, à
grand renfort de cris et de coups – saint Léonard aux lèvres et la
rage au cœur –, se jetaient sur ceux du
Basilisk
. Alors,
au milieu du tournoiement des gourdins et des éclairs lancés par
les lames des couteaux, surgissait soudain la silhouette souple du
jeune chef, donnant sans pitié des coups de fouet à gauche et à
droite, comme un dompteur au milieu de
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