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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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la fourniture des effets de linge et de chaussure, et les 10 autres étaient donnés, tous les dix jours (par décade), à titre de sous de poche. L’ordinaire était bon, et la solde suffisante pour satisfaire à tous les besoins de première nécessité, mais on exerçait souvent des retenues, qui n’étaient pas toujours justifiées très scrupuleusement et dont on n’osait se plaindre, car les sergents-majors étaient tout-puissants dans les compagnies.
    Le magnifique château d’Écouen, qui, après Austerlitz, allait devenir une maison d’éducation pour les filles des membres de la Légion d’honneur, venait d’être disposé pour loger notre bataillon de vélites.
    Deux jours après que nous y étions, c'est-à-dire le lundi 15 juillet, je fus très surpris de voir, à la boutonnière des officiers et de plusieurs sous-officiers, une belle décoration suspendue par un ruban rouge moiré. J’appris que c’était l’ordre de la Légion d’honneur, dont la première distribution avait été faite la veille par l’Empereur Napoléon en personne, dans le temple de Mars, aux Invalides.
    17 juillet. – L’Empereur passa à Écouen ; il se rendait à Boulogne, pour donner des croix aux troupes campées sur les côtes de France et qui formaient l’armée destinée à une descente en Angleterre. Nous bordions la haie, sur la hauteur avant de descendre dans le bourg. L’Empereur ne s’arrêta pas pour nous voir, ce qui blessa notre amour-propre de conscrits.
    Les mois de juillet, août, septembre et octobre se passèrent en faisant l’exercice, à nettoyer nos armes et nos effets, à passer des inspections de tenue, à apprendre la manière de servir dans toutes les positions. Avant la fin de septembre, nous manœuvrions parfaitement bien en ligne, et semblions déjà être de vieux soldats. Le bataillon, à cette époque, avait déjà dépassé 700 hommes, et il en arrivait tous les jours. Mais je fus atteint, dans ces premiers jours d’une ophtalmie qui me fit beaucoup souffrir et languir, et, en vendémiaire, je dus aller un mois à l’hôpital du Gros-Caillou , pour rétablir ma santé.
    15 août. – Ce jour de la fête de l’Empereur, je fus à Paris avec plusieurs camarades, sans permission. Nous partîmes à pied, à onze heures, après l’appel et l’inspection du matin ; arrivés à Saint-Denis, nous prîmes une voiture qui nous porta jusqu’à la porte de ce nom. Suivre le boulevard, gagner l’emplacement de la fête, assister à quelques jeux, faire une ou deux visites, dîner au Palais Royal, prendre le café en société de dames, retourner à Écouen, faire dix lieues de la même manière et arriver pour l’appel du soir, ce fut dix heures consacrées à exécuter cette fantastique escapade. Quelques uns furent punis, d’autres malades ; je ne fus ni l’un ni l’autre, grâce à ma santé et à la bienveillance du sergent de semaine, qui retarda un peu de rendre le billet d’appel, espérant que je rentrerais avant le délai de grâce.
    Les dimanches, après l’inspection, nous visitions les environs, qui sont très intéressants à parcourir, et très animés dans la belle saison, ou bien nous allions aux fêtes patronales de Montmorency, Villiers-le-Bel, Sarcelles, Gonesse, Saint-Denis, Saint-Ouen, etc. Ces fêtes très courues et fort gaies me plaisaient beaucoup et me délassaient des ennuyeuses fatigues de la semaine.
    Le temps passait vite, parce qu’il était bien employé ; je pensais peu à la terre natale, au berceau de mon enfance, parce que j’étais arrivé à cette position, de mon gré, et sans contrainte. Cependant un dimanche, d’assez bon matin, promenant assez tristement mes pensées dans les allées les plus solitaires du bois, j’entendis parler assez vivement à quelques pas de moi. Je me rendis de ce côté, et, avant d’arriver au lieu d’où partaient ces voix, je fus réveillé de mes préoccupations par un coup d’arme à feu, suivi d’un autre. Je cours, tout ému, je vois un de nos officiers baigné dans son sang, près duquel était l’aide-major du bataillon, M. Maugras, et un officier qui le soutenait, tandis que deux autres fuyaient à cheval dans la direction de Paris. Je venais d’être témoin, sans m’en douter, d’un duel à mort. Les conventions étaient telles, dit-on. Ce douloureux événement m’affecta sensiblement.
    Un soir, c’était le 11 novembre, pendant que nous fêtions la Saint-Martin, qui est la fête des

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