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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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soldats d’infanterie, un nouveau vélite entra dans la salle du festin, sac sur le dos, et son ordre d’incorporation dans la compagnie à la main. Courir à lui, l’aider à se débarrasser de son attirail militaire, et le placer à table fut l’affaire d’un instant. Assis à mes côtés, et ayant appris qu’il était Auvergnat, je demandai au sergent-major, qui était invité à ce repas de chambrée, de me le donner pour camarade de lit, le mien étant à l’hôpital. Cette demande me fut accordée, à ma grande satisfaction. Le choix était d’autant plus agréable que c’était un jeune homme parfaitement bien élevé, qu’il était mon compatriote, et que tout en lui annonçait des manières distinguées. (Ce jeune homme, appelé Tournilhac, des environs de Thiers, était capitaine dans la campagne de Russie, où il eut deux doigts gelés, ce qui ne l’empêcha pas, quand on abandonna, à la montée de Kowno, les trésors de la Grande Armée, de prendre de l’or à pleines mains dans les tonneaux défoncés et de rejoindre les débris de son régiment. Là, il vint au secours de tous ses camarades, en leur donnant généreusement tout l’argent dont ils avaient besoin pour traverser la Prusse et gagner les bords de l’Oder. Il ne voulut pas reprendre de service sous la Restauration.)
    27 novembre. – Depuis plusieurs jours, nous étions prévenus que nous assisterions au sacre de l’Empereur Napoléon, et que nous devions nous tenir prêts à partir. Nous dûmes à cette cérémonie de recevoir nos habits de grande tenue, avec des boutons à l’aigle, nos énormes bonnets d’oursin, qui couvraient nos petites figures imberbes, et d’autres vêtements qu’on ne nous avait pas encore donnés.
    Casernés à l’École militaire, on nous distribua, nous vélites, dans chaque chambrée des vieux chasseurs, comme une ration, avec ordre de prendre une place dans les lits qui étaient déjà occupés par deux titulaires, qui se seraient bien passés de cette augmentation importune. Il fallut se résigner à coucher trois et à habiter des chambres où l’on ne pouvait pas circuler, tant elles étaient encombrées. Combien cela nous promettait de plaisir !

LA CÉRÉMONIE DU SACRE
     
    2 décembre (15 frimaire an XIII). – À peine le jour se dessinait, que nous étions en bataille sur le Pont-Neuf, en attendant qu’on eût désigné l’emplacement que nous devions occuper. La compagnie borda la haie dans la rue notre-dame. Obligé de rester en place, sur un sol glacé, par un froid vif et un ciel gris, cela nous annonçait une journée pénible et de privations. Cependant, quand les petits et grands corps constitués arrivèrent, quand le Corps législatif, le Tribunat, le Sénat, le Conseil d’État, la Cour de cassation, la Cour des comptes, etc., commencèrent à défiler, on eut du plaisir à se voir bien placés, à n’avoir devant soi rien qui pût vous priver du charmant tableau qui se déroulait. Et quand la riche voiture du pape arriva, attelée de huit chevaux blancs magnifiques, précédée de son chapelain monté sur une mule ; quand l’état-major de Paris, ayant à sa tête le prince Murat, précédé et suivi d’une immense colonne de cavalerie de toutes les armes, quand enfin le magnifique cortège impérial se montra dans toute sa splendeur, alors on oublia le froid, la fatigue, pour admirer ces resplendissantes grandeurs.
    Le cortège étant entré dans l’église, il fut permis de se promener pour se réchauffer. Me trouvant près d’une porte de l’immense basilique où s’accomplissait une si étonnante cérémonie, j’entrai à la suite du prince Eugène. Une fois dans l’intérieur, je n’aurais été guère plus avancé, si un vélite de mes amis, dont la compagnie était de service dans l’église, ne m’eût facilité les moyens de pénétrer dans une tribune haute. Je pris une assez bonne place sans beaucoup de peine, parce qu’on pensa que j’étais envoyé pour y faire faction. De là, je vis au moins les deux tiers de la cérémonie, tout ce que l’imagination la plus féconde peut imaginer de beau, de grandiose, de merveilleux. Il faut l’avoir vu pour s’en faire une idée. Aussi le souvenir en restera-t-il gravé dans ma mémoire, toute ma vie. Avant la fin de la messe, je me retirai pour reprendre ma place.
    À la nuit, nous rentrâmes au quartier, et après avoir mangé la portion du soir, je fus voir la brillante illumination des

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