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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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tous les visages qui m’entouraient, m’émurent profondément et m’ôtaient tout mon courage. Après avoir payé ma dette à la nature, je partis au galop pour cacher mes pleurs.
    Quelques heures après, j’étais à Issoire, où je rejoignis mes compagnons de voyage, mes futurs camarades de giberne. Je me mis aussitôt sous les ordres du premier chef que ma nouvelle carrière me donnait. C’était un lieutenant du 21 ème régiment d’infanterie légère, Corse de naissance, un des braves de l’expédition d’Égypte, très original, peu instruit, mais excellent homme. Il s’appelait Paravagna. Ce n’était pas une petite mission que celle de conduire à Paris vingt-cinq jeunes têtes, passablement indépendantes, et n’ayant encore aucun sentiment des devoirs que nous imposait notre position de recrues et de subordination. Il était secondé par un sergent, qu’on n’écoutait pas.
    Le 27 juin, nous étions à Issoire. Le 28, à Clermont, nous fûmes conduits chez le sous-inspecteur aux revues, pour lui être présentés. Il nous compta de sa fenêtre, ce qui nous déplut fort, et lui attira de notre part quelques bons sarcasmes.
    Le 30, nous fîmes halte à Riom, le 1 er juillet à Saint-Pourçain, le 2 à Moulins. Avant d’arriver à cette ville, nous fûmes foudroyés par un orage effroyable, qui nous effraya par la masse d’eau qu’il jeta sur nous et dont notre petit bagage fut entièrement abîmé. Nous ne repartîmes de Moulins que le 4, pour coucher à Saint-Pierre-le-Moutiers.
    Les dépenses assez considérables que nous faisions, dans ces petites journées de marche, nous engagèrent à prendre des voitures, pour arriver plus tôt à Paris. Le lieutenant s’y opposa longtemps ; il nous menaça de nous faire arrêter par la gendarmerie, si nous nous permettions de partir sans lui.
    On se moqua de lui et de ses menaces. Cependant, après de longues discussions, on s’arrangea, en payant pour lui et le sergent. Ce dernier y perdait le pain de munition qu’on lui laissait, et M. Paravagna quelques bons dîners qu’on lui payait. Les concessions une fois faites de part et d’autre, nous montâmes en voiture, c'est-à-dire en pataches , quatre dans chacune, et partîmes fort satisfaits, quoique cahotés, moulus, et le corps brisé de fatigue, dans ces véhicules barbares suspendus sur des essieux. Nous passâmes successivement à Pougues, la Charité sur Loire, Prouilly, Cosne, Briare, Montargis.
    Le 6 juillet, au soir, nous arrivâmes à Nemours et nous couchâmes. C’était bien nécessaire, car nous avions les os brisés et le corps tout contus. Dans ce trajet de quarante lieues de poste, il m’arriva un accident, qui aurait bien pu m’arrêter dès les premiers jours de ma carrière militaire. Après avoir gravi une côte à pied, je voulus monter dans ma patache sans la faire arrêter. Trompé par un lambeau de tapisserie, qui se trouvait entre la croupe du cheval et le devant de la voiture, j’appuyai ma main dessus et passai entre les deux, en tombant rudement sur la route. Par bonheur, aucun de mes membres ne se trouva sous le passage des roues. J’en fus quitte pour quelques contusions et les plaisanteries de mes camarades.
    Le 7 juillet, à Nemours, nous montâmes dans de bonnes diligences et partîmes de grand matin. À Fontainebleau, quelques instants de repos nous donnèrent le temps de voir le château et les vélites grenadiers , déjà arrivés, faire l’exercice. C’étaient les jouissances qui nous attendaient, et après lesquelles nous courions presque en poste.

L’ARRIVÉE À PARIS
     
    Le 7 juillet 1804, à 4 heures du soir, nous entrâmes à Paris par la rue du Faubourg Saint Victor, où nous descendîmes de voiture. Une fois sur le pavé, nous prîmes un portemanteau, et nous nous dirigeâmes sur la rue Grenelle Saint Honoré, où l’on nous avait désigné un hôtel. L’arrivée de vingt-sept gaillards, fatigués de la course qu’ils venaient de faire à travers Paris, la valise sur le dos et la faim dans le ventre, de très mauvaise humeur par conséquent, épouvanta l’hôtelier, qui déclina l’honneur de loger tant de jeunes héros en herbe. Fort embarrassés de trouver une maison assez vaste pour nous loger tous, car le lieutenant ne voulait pas que nous nous séparions, nous fûmes éconduits dans plusieurs lieux. Enfin, nous trouvâmes un asile dans l’hôtel de Lyon, rue Batave, près des Tuileries.
    J’étais donc à Paris, dont je

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