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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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fatigue, et les pieds dans un état déplorable à Bourgoin.
    Avant d’atteindre Pont-Beauvoisin, le 14, on traversa la petite ville de Latour-Dupin. Je m’y arrêtai pour acheter une paire de souliers, ne pouvant plus marcher avec ceux que j’avais aux pieds.
    16 février. – À Chambéry : – Avant d’entrer en ville, un vélite, Baratier, qui en était originaire, régala tous les militaires du régiment, en leur offrant du vin et quelques légères pâtisseries. On avait placé, de distance en distance des tonneaux défoncés remplis de vin, et des paysans à l’entour pour nous donner au passage des verres remplis et de cette pâtisserie dont j’ai parlé. La marche avait été ralentie, pour donner le temps de prendre et de boire.
    24 février. – Passage du mont Cenis : – Le chemin, difficile, à peine tracé sur la neige, était si glissant que, tous les cent pas, lorsque nous descendîmes sur la pente rapide qui conduit à Novalèse, je tombais sur le dos. Heureusement que mon sac me servait de parachute, car sans lui, je crois que j’aurais été cent fois brisé avant d’arriver au bas de cette pénible et longue descente. Ces fréquentes chutes provenaient de ce que mes souliers étant sans talons, étaient unis et polis comme du verre. Dès notre départ du gîte, nous éprouvâmes un froid assez vif, mais lorsque nous eûmes dépassé le hameau de la Ramasse , et que nous nous fûmes élevés sur les dernières hauteurs, il devint d’une rigueur excessive. Je vis, en passant, l’hospice du mont Cenis, mais rapidement et mal, à cause du brouillard et de la rapidité de la marche. Moins d’une heure après avoir passé ce lieu habité, nous approchions du beau ciel d’Italie. Nous laissions derrière nous les frimas, les tempêtes, et commencions à respirer l’air chaud de cette contrée, qu’on a hâte de voir pour se croire heureux.
    La compagnie fut détachée à Bussolino , petite ville à une lieue en avant de Suze, sur la route de Turin. Mon camarade de lit et moi, nous couchions dans une écurie, en société d’un âne et d’une chèvre. Le matin, j’avais lavé et blanchi mon cordon de bonnet, pour passer l’inspection du capitaine. Lorsque je voulus le prendre pour l’attacher à ma coiffure de grande tenue, je trouvai la chèvre qui le mangeait, et qui en avait déjà avalé plus de la moitié. Je le retirai presque en totalité, mais si sale, si détérioré, qu’il me valut deux jours de salle de police. Depuis Lyon, nous avions l’avantage de porter nos sacs, mais j’étais dès lors habitué à la marche.
    27 février. – À Turin : – Séjour jusqu’au 2 mars inclus. Le soir de notre arrivée, une neige très épaisse couvrit la ville et la campagne, de manière à rendre l’une et l’autre impraticables. Malgré sa continuité et le peu d’agrément qu’il y avait à sortir, je ne voulus pas me priver du plaisir de parcourir tous les quartiers, visiter les monuments, connaître les curiosités que cette belle et jolie ville renferme. Je vis à peu près tout ce qu’il était possible de voir.
    Pendant ces trois jours de repos, notre capitaine, M. Bigarré, reçut l’avis qu’il était nommé major au 4 ème régiment de ligne, commandé par le prince Joseph Bonaparte. Comme Son Altesse Impériale n’était jamais à la tête de son régiment, le major Bigarré put se considérer comme colonel au 4 ème de ligne ! Avant de quitter le régiment, il donna à tous les officiers un plumet d’uniforme en plumes de héron et un grand dîner. C’était faire ses adieux d’une manière courtoise et distinguée.
    9 mars. – À Abbiategrasso : – C’est là que les Français furent forcés, en 1524, ce qui coûta la vie au chevalier Bayard.
    10 mars. – À Milan terme de notre voyage et de nos fatigues : – J’étais bien portant, bien satisfait de goûter un peu de repos, et de me trouver dans la capitale de la riche Lombardie, caserné dans la citadelle au château de Milan. Dès notre arrivée, les officiers, sous-officiers et soldats de la garde royale italienne vinrent nous inviter à dîner, pour le jour même. Nous, chasseurs, nous fûmes avec les chasseurs à leur caserne, où nous trouvâmes, dans une vaste cour, de nombreuses tables, très bien servies pour un repas de soldats. Ce banquet donné par nos cadets fut gai et très brillant, par la multitude de personnes de haute distinction qui y assistèrent comme spectateurs. Elles

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