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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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travail presque quotidien pouvait présenter. C’était pour moi que je le faisais : il m’importait alors très peu que cela fût bon ou mauvais, insignifiant ou intéressant. L’essentiel était de persévérer et de conserver. J’y suis parvenu après bien des contrariétés et des soins.
    Si je le transcris à nouveau, c’est pour réunir les nombreux cahiers dont ce journal se compose, cahiers devenus malpropres, déchirés et effacés dans bien des pages, par suite des nombreux voyages et déplacements qu’ils ont été contraints de subir. Je l’écris aussi pour me remettre dans la mémoire les divers souvenirs qu’il contient. En m’occupant de ce long travail, je trouverai l’occasion d’employer mes journées et mes longues soirées d’hiver, de manière à me les faire paraître moins ennuyeuses. Sortant peu et vivant presque seul, cela me sera un remède contre l’oisiveté et les amères réflexions de la triste vieillesse.
    Je n’apporte aucun changement important dans sa rédaction primitive. Tel que je l’écrivis dans mes veillées de voyage ou de garnison et dans mes soirées de bivouac, tel il se trouvera dans son nouveau format. Si mon fils parcourt un jour ce journal, il se convaincra que je n’ai manqué ni de constance dans ma résolution de le tenir, ni de patience pour le mettre au net, travail bien laborieux et fastidieux pour un homme âgé et peu habile à écrire…
    18 janvier. – En partant d’Essonnes, nous mîmes nos sacs sur des voitures, ne conservant que nos oursins, que nous portions en bandoulière. Ils étaient renfermés dans des étuis en coutil, qu’on nous avait délivrés la veille de notre départ. Pour pouvoir les attacher sur nos sacs, on nous avait prescrit de nous procurer des courroies, sans fixer leur longueur ni leur couleur, de sorte que c’était une vraie bigarrure. Les frais de transport étaient à notre charge, et devaient coûter 20 centimes par jour. Chaque compagnie avait sa voiture ; nous étions libres de retirer nos sacs, à l’arrivée au gîte.
    21 janvier. – Sens. – Séjour. À mon arrivée au logement, mon camarade de lit me dit brusquement qu’il fallait, avant toute chose, nettoyer mon fusil, mes souliers, etc. Je l’envoyai promener, en lui disant que je n’avais pas d’ordre à recevoir. Il s’ensuivit une querelle, qui devait avoir son dénouement le lendemain, lorsqu’un vélite entra avec son camarade, pour nous proposer de nous associer pendant la route et de vivre ensemble. Leur intervention calma nos irritations communes, et la proposition fut acceptée. Dès le soir même, nous nous réunîmes pour souper, et jusqu’à présent nous avons continué de le faire, soit à la halte qui a lieu habituellement à moitié route, soit au lieu d’étape, où l’on prépare le dîner dans le logement le plus commode. En général, nous vivons bien, en ne dépensant que notre solde. Ce vélite s’appelait Journais. Devenu capitaine, il fut fait prisonnier en Espagne et conduit en Angleterre. L’ennui de sa captivité le porta au suicide.
    26 janvier. – Depuis Paris, j’avais pris l’habitude d’aller lire dans un café un journal politique, pour me tenir au courant du nouveau du jour. C’est ainsi que j’appris, à Avallon, que nous nous rendions à Milan pour assister au couronnement de Napoléon comme roi d’Italie.
    3 février. – Le matin, à Mâcon, avant le départ du régiment, je demandai et obtins la permission de m’embarquer sur le coche, pour me rendre à Villefranche. J’arrivai avant le régiment, quoiqu’il fût déjà tard. Journée froide, neigeuse et meilleure à naviguer sur la Saône qu’à piétiner dans la boue.
    5 février. – À Lyon : – Le jeune prince Eugène Beauharnais, beau-fils de l’Empereur, commandant en chef de toute la garde, nous passa en revue sur la place Bellecour, encore encombrée des décombres qu’avait faits le marteau révolutionnaire. En grand costume de chasseur à cheval de la garde, il portait une plaque en argent sur la poitrine et un large ruban rouge ponceau en bandoulière, où était attachée une énorme croix en or. Ce nouveau grade ou cette dignité venait d’être créée, tout récemment, sous le nom de grand’croix de la Légion d’honneur…
    Le 13 février, à mon départ de Lyon, j’avais des housiers neufs qui me blessèrent cruellement. Forcé de rester en arrière, j’arrivai longtemps après le régiment, harassé de

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