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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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capitale, avec tous les désirs possibles de la connaître ! J’en profitai avec délire.
    Les monuments, les cabinets de curiosités, les bibliothèques, le Muséum, quelquefois le spectacle, étaient mes courses favorites. Je fréquentais quelques cours publics ; malgré que ce ne fussent que des notions superficielles que j’acquérais, mon esprit ne se rassasiait pas d’entendre ces immortels professeurs. J’aurais désiré pouvoir disposer de tout mon temps pour tout voir, tout entendre et prendre une idée de tout. Le service était pénible ; les appels fréquents et rigoureux ne me permettaient guère de courir où mes désirs me portaient ; j’étais cependant satisfait de mon sort. J’en souhaitais la continuation, lorsque le son du clairon vint rompre cet échafaudage de projets.
    Nous reçûmes l’ordre de partir pour le camp de Boulogne, pour y faire partie de l’armée destinée à être jetée sur les côtes d’Angleterre.
    Après avoir reçu les effets nécessaires pour un embarquement, passé et repassé plusieurs revues, plus fatigantes que des journées de marche par leur longueur et leur minutie, nous étions enfin sac au dos, et déjà hors de l’enceinte de l’École militaire ; on n’attendait plus que le général Soulès, pour faire par le flanc droit, marcher en avant et crier : « Vive la gloire ! » Mais ce fut tout le contraire. Un courrier extraordinaire arriva de Boulogne, porteur d’un ordre de l’Empereur. Nous fîmes par le flanc gauche, et rentrâmes dans nos chambres, avec injonction de ne pas s’absenter et de se tenir prêts pour une nouvelle destination.
    Alors ce ne fut, pendant une quinzaine, qu’inspections, revues, manœuvres. On aurait dit que nos chefs avaient pris à tâche de nous harasser, pour nous faire désirer d’entrer en campagne ! Aussi était-ce le cri de tout le monde.
    Enfin les bruits de guerre avec l’Autriche s’accrurent, et au lieu d’aller sur cette côte de fer, où une armée intrépide se réjouissait de passer le détroit, pour attaquer corps à corps cette perfide Albion, comme disaient les journaux, nous fûmes dirigés sur le Rhin, où tant de glorieux souvenirs appelaient l’armée française. Nous étions restés à Paris quarante-quatre jours.

DÉPART DE PARIS POUR LA CAMPAGNE D’ALLEMAGNE
     
    31 août. – Nous partîmes de Paris, tous satisfaits d’entrer en campagne plutôt que d’aller à Boulogne. Moi surtout, qui ne désirais que guerre. J’étais jeune, plein de santé, de courage, et je croyais que c’était plus que suffisant pour lutter contre tous les maux possibles ; j’étais en outre rompu à la marche ; tout s’accordait pour me faire envisager une campagne comme une promenade, où malgré qu’on y perdît tête, bras et jambes, on devait trouver du délassement. Je désirais en outre de voir du pays : le siège d’une place forte, un champ de bataille. Je raisonnais alors comme un enfant. Et au moment que je jette ceci sur le papier, l’ennui qui me consume dans mon cantonnement (à Schönbrunn) et quatre mois de courses, de fatigues, de misères, m’ont prouvé que rien n’est plus affreux, plus triste que la guerre. Et encore nos maux, dans la Garde, ne sont pas à comparer avec ceux de la troupe de ligne.
    Notre route jusqu’à Strasbourg fut belle, mais longue. Pour ne pas nous heurter avec les colonnes qui descendaient de Boulogne, jusqu’à Chalons sur Marne, on nous fit passer par Provins, Langres, Vesoul et Colmar. Le temps fut, à quelques jours près, constamment beau. Tout coïncidait pour me faire trouver ce commencement de campagne agréable. Mes désirs y correspondaient, mais la santé s’y refusait. J’avais perdu l’appétit, je brûlais de fièvre ; la crainte de rester dans un hôpital me donnait des forces ; je ne voulus même pas aller aux voitures. La variété des scènes, le désir de suivre et un bon tempérament me soutinrent, et j’arrivai à Strasbourg toujours enivré de gloire. Plusieurs de mes camarades, pas plus malades que moi, restèrent aux hôpitaux et y trouvèrent la mort. Le vieux proverbe : « il faut surmonter le mal », doit être suivi principalement par les militaires. Malheur à ceux qui, en campagne, entrent dans les hôpitaux ! Ils sont isolés, oubliés, et l’ennui les tue plutôt que la maladie.
    Depuis Belfort jusqu’à notre destination, les routes étaient encombrées de troupes et surtout de voitures de fourrage,

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