Souvenir d'un officier de la grande armée
voulurent jouir de ce beau coup d’œil, de la franche concorde qui y régna, et de cette joyeuse et belle réunion qui devait cimenter l’alliance des deux peuples.
(Quelques jours avant de rentrer en France, nous rendîmes à la garde royale sa politesse. Le banquet eut lieu dans les cours de la citadelle, avec moins de pompe, mais autant de cordialité.)
8 mai. – Deux mois après notre arrivée, l’Empereur Napoléon fit son entrée solennelle dans la capitale de son nouveau royaume. Cette prise de possession fut magnifique. Les troupes d’infanterie bordaient les rues où il passa, à cheval, au milieu des gardes d’honneur, brillamment costumées, que toutes les villes du royaume avaient envoyées. Deux divisions de cavalerie et une de cuirassiers précédaient et suivaient qui réunissait tous les officiers généraux et l’état-major de l’armée française en Italie. Je vis à la tête des troupes le général en chef de cette armée, le vainqueur de Fleurus, le maréchal Jourdan, ainsi que beaucoup de généraux qui, quoique jeunes, comptaient de hauts faits d’armes.
26 mai. – Le couronnement n’eut pas l’éclat de celui de Paris, mais n’en fut pas moins beau. Nous bordâmes la haie dans deux quartiers différents sur le passage de l’Empereur : lorsqu’il se rendit à l’église Saint-Ambroise, pour poser la couronne de fer sur sa tête, et lorsqu’il rentra au palais après la cérémonie terminée. Le couronnement se fit le matin dans l’église métropolitaine : la troupe resta massée autour de la cathédrale, l’Empereur s’étant rendu à pied de son palais à l’église par une élégante galerie construite exprès pour cette grande solennité. La cérémonie du soir eut principalement pour but de le montrer au peuple dans tout l’apparat de la majesté royale. Avec l’Empereur étaient l’Impératrice, les princes Joseph et Louis Napoléon, le prince Murat, le prince Eugène, plusieurs maréchaux et généraux, les ministres du royaume, les grands et les personnes des deux cours qui précédaient, suivaient ou entouraient les voitures du cortège. Un temps superbe favorisa cette imposante cérémonie et en augmenta l’éclat.
Il y eut ensuite une succession de fêtes brillantes ; je vis Garnerin s’enlever dans les airs ; des courses en chars me donnèrent une idée des célèbres Olympiades ; un feu d’artifice immense occupait tout le sommet de la façade de la citadelle du côté de la ville. L’illumination du dôme de la cathédrale surpassa toutes les autres, qui furent nombreuses, par son éclat et l’immensité de ses feux ; des jeux de toute espèce eurent lieu sur la place plantée d’arbres et entourée de magnifiques palais. Je vis là le plan de la bataille de Marengo, à une heure donnée de la journée, en relief et sur une grande échelle : tous les corps des deux armées y figuraient sur l’emplacement qu’ils occupaient au moment de l’action que le tableau représentait. Ces brillantes fêtes durèrent plusieurs jours et furent très suivies.
3 juin. – Ce matin, la générale fut battue dans les cours de la citadelle, bien longtemps avant l’heure et la batterie du réveil. S’habiller, s’armer et se former, tout cela fut l’affaire d’un instant. On se rendit sur la place de l’Esplanade, où se trouvait Napoléon. Après quelques temps d’exercice, il ordonne de charger les armes réellement pour faire l’exercice à feu. On lui observe qu’on n’a que des cartouches à balle : cela ne fait rien, on les déchirera du côté de la balle. Les manœuvres commencent ; des feux de tous genres sont exécutés, devant des milliers de personnes venues pour être témoins de ce spectacle matinal, qui avait lieu devant les premières maisons de la ville. Eh bien ! malgré la précipitation qu’on y mettait, on n’eut pas à déplorer un seul malheur ; pas un soldat n’oublia d’exécuter l’ordre qui lui avait été donné de déchirer la cartouche du côté du projectile. Ce fait prouve la confiance de l’Empereur dans le dévouement de sa garde, le sang-froid et l’adresse des militaires qui la composaient, car l’Empereur était souvent en avant des feux et surveillait l’exécution des mouvements.
Dans les premiers jours de juin, le doge de Gênes, Gérôme Durazzo, vint apporter à l’Empereur le vœu du Sénat et du peuple de Gênes pour la réunion de la République ligurienne à l’Empire français. Je
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