Souvenir d'un officier de la grande armée
commença des pourparlers de capitulation que nous n’acceptâmes pas.
17 octobre. – C’est alors que l’Empereur donna l’ordre de battre en brèche pour tenter l’assaut.
Aussitôt qu’il fit jour, chacun s’empressa de se procurer des pommes de terre ; quelques instants après, il nous fut délivré un biscuit, qui ne pouvait arriver plus à propos. La générale battit, et dans un instant nous fûmes en bataille au-dessus du village d’Elchingen. Nous y restâmes toute la journée pour contenir l’ennemi, en cas qu’il eût fait une sortie de notre côté. On se battit toute la journée, à peu de distance de nous, sans que nous prissions part à l’action. Le bruit de l’artillerie qui battait la brèche d’Ulm était si fort et si terrible qu’on aurait dit la destruction du monde entier. Au soir, étant allé chercher du bois, aux environs de notre position, pour nous chauffer un peu, les ténèbres étaient si profondes que je chargeai sur mes épaules un kaiserlick mort, que j’avais pris pour une bûche. Cela m’effraya beaucoup. Nous ne nous retirâmes que le soir, vers dix heures, en ayant toutes les peines du monde pour nous dégager de la boue.
Je fus logé dans la superbe abbaye où était l’Empereur. Dans toutes les salles, chambres, corridors, cellules, on avait allumé des feux pour cuire nos pommes de terre. On ne peut se faire une idée de la beauté de cette abbaye.
La canonnade ne cessa de se faire entendre, jusqu’au soir du 17, où elle cessa tout à coup. Nous apprîmes peu de temps après que le général Mack, renonçant à l’espoir de se faire jour l’épée à la main, venait de capituler, en remettant aux mains de l’Empereur toute son armée et la place qu’il n’avait pas défendue.
18 octobre. – Nous ne sortîmes pas de la journée, ce qui nous fit beaucoup de bien, tant pour nous reposer que pour approprier nos armes, qui étaient rongées de rouille. Dans la nuit, au milieu d’un ouragan terrible, le Danube déborda et entraîna les cadavres qui n’étaient pas encore inhumés. Ils durent faire connaître à Vienne les malheurs de l’armée de Souabe, car ils flottaient sur le fleuve comme les débris d’un vaisseau.
20 octobre. – L’Empereur passa toute la journée à Ulm, sur une hauteur, pour voir défiler l’armée autrichienne, qui sortit avec les honneurs de la guerre et déposa les armes devant lui. L’Empereur, entouré d’une partie de la Garde, fit appeler les généraux autrichiens, et les traita avec les plus grands égards. Ensuite, nous fûmes coucher à Augsbourg.
L’Empereur arriva à Augsbourg, précédé des grenadiers à pied qui portaient les quatre-vingt-dix drapeaux pris dans cette première campagne. Cette entrée brillante et martiale produisit sur les habitants un étonnement difficile à décrire ; ils ne pouvaient se persuader qu’en si peu de jours on eût détruit une si grande armée.
À l’appel du troisième jour, il fut lu, à l’ordre des compagnies, une proclamation de l’Empereur aux soldats de la Grande Armée, qui énumérait tous les combats et les trophées qu’ils avaient conquis en quinze jours, et l’annonce d’une deuxième campagne contre les Russes, qui approchaient. Un décret impérial, daté d’Ulm, faisait compter pour campagne le mois de vendémiaire an XIV, indépendamment de la campagne courante.
24 octobre. – À Munich : – Le régiment de chasseurs partit d’Augsbourg, le 23 octobre, de très grand matin, coucha à Schwabhausen, après une journée pénible, et arriva le lendemain 24 à Munich, à 3 heures de l’après-midi. Une route superbe dans ses dernières parties. Nous fîmes notre entrée en grande tenue ; une foule immense s’était portée sur notre passage. Les habitants paraissaient prendre plaisir à voir la Garde et leurs protecteurs. Ils nous reçurent avec la plus grande joie. Il n’y a pas d’endroit où nous ayons été aussi bien traités. Ils nous embrassaient, tant ils étaient contents de se voir à l’abri des vexations des Autrichiens. Ils avaient décoré leurs maisons d’emblèmes exprimant le bonheur qu’ils éprouvaient de posséder leur régénérateur et leurs sauveurs. Les vivres étaient en abondance, la volaille pour rien. Il n’y avait de cher que le pain.
À mon arrivée, je fus commandé de service pour monter la garde au palais électoral. L’Empereur arriva à 9 heures du soir. Tous les grands de la cour se portèrent
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