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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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au-devant de lui. Ils étaient chamarrés de décorations, de cordons et d’épaulettes. Ce qui me divertit le plus dans cette soirée, ce fut la garde de l’Électeur. Elle est d’une mine grotesque ; son costume tient beaucoup aux troupes du temps d’Henri IV ; elle est composée de beaux hommes, extrêmement grands, tous armés d’un sabre et d’une pique.
    Pendant deux heures, je ne fis que porter et présenter les armes, tant le nombre des grands personnages qui furent admis à offrir leurs hommages à l’Empereur fût considérable. Je n’avais jamais autant vu de décorations de toute espèce et de tous les pays qu’il en passa devant moi pendant cette fatigante faction. Je crois avoir reçu le salut très profond de tous les princes, ducs, barons de la Bavière reconquise et reconnaissante. Dans cette circonstance, un soldat de l’Empereur, un guerrier de la Grande Armée, avait des titres à mériter les grands saluts qu’on lui faisait.
    25 octobre. – Une prostration presque complète, une nuit passée sans sommeil, me faisaient vivement désirer un bon lit et du repos de douze heures au moins. Je me couchai avec cet espoir, mais, vers dix ou onze heures, un bruit discordant de sonnettes nous réveilla brusquement, cinq ou six que nous étions dans ce logement. C’était un adjudant major, du régiment, qui nous donna l’ordre de nous rendre avec armes et bagages, dans un corps de garde qu’il nous désigna.
    Arrivés là, avec quelques autres chasseurs qu’on avait recrutés de la même manière, on nous envoya sur la route de Landshut, à une lieue de Munich, pour garder le grand parc de l’armée. La nuit était profondément noire, la pluie tombait à torrent ; il faisait si mauvais que, dans tout autre moment, on n’aurait pas mis un chien à la porte. J’eus beau observer que je descendais de garde, on me répondit qu’on en tiendrait compte une autre fois. Il fallut marcher, le devoir et le service l’exigeait.
    Nous voilà dix à douze, pataugeant dans une profonde boue, marchant à l’aventure, et regrettant tous, de bien bon cœur, l’excellent coucher qu’il nous avait fallu quitter. Arrivés à notre destination, les camarades du 1 er corps (maréchal Bernadotte), que nous relevions, nous laissèrent une très bonne baraque en planches garnie de bonne paille, un feu de bivouac en très grande activité et beaucoup de bois pour l’alimenter. C’était du moins une compensation à notre infortune et un dédommagement qui nous était bien dû, mais malheureusement cette faveur inespérée nous échappa bientôt. À peine avait-on placé les sentinelles sur les points indiqués, et le reste du poste pris possession de cette baraque qui promettait de nous être si utile, que le feu s’y déclara avec tant d’intensité que les hommes qui s’y trouvaient à l’abri eurent beaucoup de peine à en sortir sans être atteints par les flammes. Les efforts que l’on fit pour l’éteindre furent sans résultat, car elle s’abîma en peu de minutes. Malheureusement, on n’avait pas eu le temps de retirer tous les fusils, les sacs et les bonnets à poil qui s’y trouvaient. Les deux fusils qui manquaient étaient chargés, comme tous les autres des hommes du poste. Une fois atteints par le feu, ils partirent. Placé en faction sur la route, une balle atteignit mon bonnet au-dessus de la tête, et le perça de part en part, sans trop m’en apercevoir. Ces longues flammes, ces deux coups de feu portèrent l’alarme dans tous les postes d’alentour. On cria partout « aux armes » ; l’inquiétude fut générale parce qu’on craignait que ce fût une attaque pour enlever le grand parc, ou qu’on le fît sauter.
    Après des reconnaissances faites, et qu’on se fut assuré de la cause de cette chaude alerte, tout rentra dans l’ordre matériellement parlant, mais la crainte d’être punis, et le désagrément de notre fâcheuse position nous tinrent sur le qui-vive le restant de notre garde.
    Rentrés à Munich sur les deux heures, nous fûmes, tous ensemble, rendre compte de ce fâcheux événement à l’adjudant major de semaine qui, après avoir pris les ordres du général, envoya le sergent et le caporal à la garde du camp, et les chasseurs à leur logement jusqu’à nouvel ordre. Ainsi se termina une nuit pleine d’anxiété et de fatigue, et qui aurait pu avoir des suites extrêmement fâcheuses, si le feu avait pu communiquer au grand parc, ce qui fut

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