Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
Vom Netzwerk:
exigeaient une heure de marche.
    Il nous fut défendu d’aller à Vienne sans permission.
    16 novembre. – Le régiment se disposait à passer l’inspection, lorsqu’on reçut l’ordre du départ. Cette nouvelle fut un coup de foudre. Les événements nous étaient peu connus, et on ne les savait que fort tard. Nous ne pouvions nous imaginer ce qui empêchait l’empereur d’Autriche de faire la paix. Nous entrions dans un nouveau pays, peu connu, offrant peu de ressources. Les Russes, continuant toujours de battre en retraite, nous entraînaient nécessairement dans des pays affreux, et surtout dans une saison peu propre aux marches. J’avoue franchement que ce départ me fit assez de peine. Cela ne m’empêcha pas de faire le voyage comme les autres.
    Nous partîmes, à 2 heures de Schœnbrunn, et après une demi-heure de marche, nous entrâmes dans Vienne. Je traversai cette ville avec un grand désir de la connaître, mais le moment n’était pas encore arrivé. En sortant de Vienne, mourants de froid, nous ne fîmes que courir pour nous empêcher de geler. Nous arrivâmes à Stockerau à 10 heures du soir. L’Empereur coucha à Stockerau.
    17 novembre. – Partis avec le point du jour, nous marchâmes toute la journée sans nous arrêter, jusqu’à la Taya, qu’il fallut passer à dix heures du soir, par une nuit très obscure, sur une planche très étroite, flexible et vacillante. Nos rangs très dégarnis depuis plusieurs heures, par la fatigue et la longueur de la marche, le devinrent encore bien davantage, car la moindre maladresse pouvait nous faire tomber dans l’eau. Aussi ceux qui se trouvèrent de l’autre côté furent peu nombreux, et à peine suffisants pour fournir le service du quartier général impérial. Une autre cause qui contribua à faire rester beaucoup d’hommes derrière, ce sont les nombreuses caves, remplies de vin de Moravie, qu’on trouvait sur le bord de la route. On conçoit que des hommes fatigués, vivant mal, dormant peu, marchant toujours, profitassent de ces bonnes et rares occasions pour se donner des jambes et un moment de bon temps, mais malheureusement l’abus touchait de près au bienfait. {2}

AUSTERLITZ
     
    Le 30 novembre, Barrès se trouve au bivouac, à deux lieues de Brunn, à gauche de la route d’Olmutz sur le penchant d’une colline peu élevée.
    1 er décembre. – En avant de la position que nous occupions, était un mamelon armé de canons. Le bivouac de l’Empereur était entre nous et ce mamelon. Après le mamelon était une plaine de peu d’étendue, légèrement inclinée vers un ruisseau qui coulait de gauche à droite. Cette plaine, très longue dans le sens du cours du ruisseau, était dominée par des hauteurs, qui commençaient sur l’autre rive et s’étendaient, depuis des bois à gauche, jusqu’à des marais et étangs à droite.
    Le soir, à la clarté des feux des bivouacs, il nous fut donné lecture de la proclamation de l’Empereur qui annonçait une grande bataille pour le lendemain, 2 décembre. Peu de temps après, l’Empereur vint à notre bivouac, pour nous voir ou pour lire une lettre qu’on venait de lui remettre. Un chasseur prit une poignée de paille et l’alluma pour faciliter la lecture de cette lettre. De ce bivouac l’Empereur fut à un autre. On le suivit avec des torches allumées pour éclairer sa marche. Sa visite se prolongeant et s’étendant, le nombre des torches s’augmenta ; on le suivit en criant : « Vive l’Empereur. » Ces cris d’amour et d’enthousiasme se propagèrent dans toutes les directions, comme un feu électrique ; tous les soldats, sous-officiers et officiers se munirent de flambeaux improvisés, en sorte qu’en moins d’un quart-d’heure, toute la Garde, les grenadiers réunis, le 5 ème corps qui était à notre gauche et en avant de nous, le 4 ème à droite, ainsi que le 3 ème plus loin et en avant, enfin, le 1 er qui était à une demi-lieue en arrière, en firent autant. Ce fut un embrasement général, un mouvement d’enthousiasme, si soudain que l’Empereur dut en être ébloui. C’était magnifique, prodigieux. Après avoir été assez loin, je revins à mon bivouac, après l’avoir cherché longtemps, tous ces feux m’ayant fait perdre la direction où il se trouvait. Je ne doute pas que ce fut le hasard qui donna la pensée de cette fête aux flambeaux, et que l’Empereur n’y pensait pas lui-même.
    2 décembre. – Longtemps avant le jour, la

Weitere Kostenlose Bücher