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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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les troupes, de marcher prudemment et bien en ordre, parce que j’avais une plaine considérable à traverser, où je pouvais être chargé par des cosaques cachés dans la forêt que je longeais à droite. J’en vis quelques uns, en effet, mais n’étant pas en assez grand nombre, ils ne vinrent pas nous attaquer.
    Le soir au bivouac, le commandant me fit faire des mémoires de proposition pour de l’avancement et pour la décoration de la Légion d’honneur, ainsi qu’un ordre du jour pour des nominations de sous-officiers et de caporaux. Mon sergent-major fut fait adjudant sous-officier. Je cite cette promotion, parce qu’il est devenu plus tard un personnage important dans la finance. Encore adjudant en 1816, il demanda son congé et l’obtint. Devenu commis d’un receveur général, il était en 1824 trésorier général de la marine et avait vu son contrat de mariage signé par Charles X et la famille royale. S’il était devenu officier, il serait resté au service. Mais à supposer même qu’il eût été heureux, sa position n’eût jamais valu probablement celle qu’il a acquise. Il s’appelle Morbeau et est encore en fonctions.

JE REÇOIS LA LÉGION D’HONNEUR
     
    18 mai. – Une lettre du major général de la Grande Armée, prince de Neufchâtel et de Wagram, m’annonce que, par décret daté du 17, j’ai été nommé chevalier de la Légion d’honneur, sous le numéro 35 505. Jamais récompense ne me causa autant de joie. Le commandant fut nommé officier, le capitaine de grenadiers et deux ou trois autres sous-officiers et soldats furent nommés légionnaires. Ceux des capitaines qui ne le furent pas, murmurèrent beaucoup contre le commandant, mais c’était injuste, car il l’avait demandé pour tous.

LES DEUX BATAILLES DE BAUTZEN
     
    20 mai. – Tous les préparatifs d’une bataille générale ayant été terminés le 19 au soir, nous en fûmes prévenus le 20 au matin. On se disposa pour cette grande journée. Vers dix heures, nous nous portâmes en avant, pour forcer le passage de la Sprée, ayant la ville de Bautzen située sur l’autre rive. Le passage ne pouvait s’exécuter, faute de ponts. On en établit sur des chevalets et, quand les rampes furent praticables, nous le franchîmes rapidement. Toutes les positions furent enlevées et nous laissâmes la ville derrière nous. À sept heures du soir, la bataille était gagnée, et les corps prenaient position pour passer la nuit en carré, car on craignait les surprises de la cavalerie.
    Avant de passer la Sprée, le général Compans, commandant notre division, m’avait demandé quinze voltigeurs avec un sergent et un caporal. Il les conduisit lui-même au pied des murs de la ville, leur indiqua une brèche où ils pouvaient passer, leur dit de monter par là, de renverser tout ce qui leur ferait obstacle et de se porter ensuite à une porte qu’il leur indiqua pour l’ouvrir. Le sergent monte le premier, il est tué. Le caporal le remplace et donne la main aux voltigeurs pour les aider à monter. Ils font le coup de feu, perdent deux ou trois hommes, arrivent à la porte, l’ouvrent et donnent entrée à des troupes du 11 ème corps qui attendaient au pied des murailles, ne pouvant pas les escalader, faute d’échelles. La ville prise, les voltigeurs vinrent me rejoindre. Un instant après, le général Compans arriva devant la compagnie. Il me dit : « Capitaine, vous allez faire sergent ce brave caporal, et caporal celui des voltigeurs qui a le plus d’instruction, car ils mériteraient tous des récompenses, ne faisant pas de différence entre eux. Si le sergent n’eût pas été tué, je l’aurais fait faire officier. Enfin, vous proposerez pour la décoration ce même caporal, et un des voltigeurs à votre choix. » Tout cela m’avait été dit à l’écart. J’étais éloigné du bataillon, me trouvant alors détaché avec une batterie d’artillerie pour sa garde. Je fis les deux promotions, ce qui n’était pas très régulier ; mais les ordres étaient impératifs, et le motif trop honorable pour que je ne les exécutasse pas sur le champ.
    Dans la soirée, mon soldat de confiance m’apporta du pain, du saucisson, une bouteille de liqueurs et une botte de paille qu’il avait achetés à Bautzon. J’en fis part à mes deux officiers. Puis j’étendis ma botte de paille, derrière les faisceaux de la compagnie, dont un rang était debout et les deux autres couchés, et ainsi

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