Souvenir d'un officier de la grande armée
rôtis, entiers, se tenant sur les quatre jambes. Les amateurs de venaison bien faisandée purent se régaler, car ils empestaient la salle du festin.
Dans la soirée, on se rendit au quartier général, où des jeux de toute espèce furent en activité. Ce fut une belle journée, que de bien mauvaises devaient suivre.
Dans le village d’Ober-Thomaswald, où je restai soixante-neuf jours, j’ai vu, pour la première et dernière fois une espèce de rosier, dont le bois et la feuille sentaient la rose, comme la fleur elle-même, qui était fort belle.
DRESDE
18 août. – Reprise des hostilités. Au bivouac, près de Gnadenberg, faisant face à la Bohême, pour couvrir notre flanc droit, menacé par les Autrichiens qui venaient de se joindre à la coalition. Cette guerre du beau-père contre le gendre surprit autant qu’elle indigna l’armée. Ce nouvel ennemi sur les bras, sans en compter bien d’autres qu’on nous annonçait, firent prévoir des événements dont beaucoup de nous ne devaient pas voir la fin. Mais nous étions confiants dans le génie de l’Empereur, dans nos succès antérieurs. Et cette présomption que rien ne pouvait nous abattre nous rassura sur l’issue de cette guerre.
26 août. – Au bivouac, à deux lieues avant d’arriver à Dresde. La pluie tomba par torrent toute la journée. La route était couverte de troupes qui se rendaient aussi à Dresde. Le canon qui se faisait fortement entendre dans cette direction, le passage continuel d’aides de camp et d’ordonnances, l’agitation qu’on remarquait sur toutes les figures annonçaient de grands événements. Le bivouac fut triste, pénible, tout à fait misérable.
27 août. – Nous partîmes de notre position avant le jour, mais la route était si embarrassée de fantassins, de cavaliers, de canons, qu’à midi nous étions dans les rues de Dresde sans pouvoir déboucher dans la plaine. La pluie était aussi forte que la veille. Les détonations d’une immense artillerie nous assourdissaient. Enfin, nous arrivâmes sur le champ de bataille et nous fûmes mis en ligne, mais déjà la victoire était restée à nos aigles. Ce qui restait à faire se réduisait à profiter de cet éclatant succès. On poursuivit un peu l’ennemi ; le terrain était trop détrempé pour qu’on pût avancer vite et lui faire beaucoup de mal : la nuit arriva, quand l’action s’engageait avec notre division.
Au bivouac dans la boue et sur le champ de bataille.
28 août. – À la poursuite de l’ennemi dès le jour. Nous l’abordâmes plusieurs fois, mais sans engagement sérieux : il ne tenait pas. Sur les dernières hauteurs qui entourent Dresde, le général m’envoya fouiller un village que nous laissions à notre droite, dans la vallée de Plauen, et dans lequel on lui avait signalé beaucoup d’Autrichiens. Je m’y rendis avec ma compagnie, appuyée par celle des grenadiers, qui devait rester en réserve. Sur la hauteur, après un échange insignifiant de coups de fusil, je fis plus de cinq cent cinquante prisonniers, qui se rendirent plutôt qu’ils ne se défendirent. D’après leurs dires, je pouvais en faire trois à quatre mille en continuant ma course dans le fond de la vallée, et y trouver même beaucoup de canons et de bagages, mais je reçus l’ordre de rentrer, le corps d’armée devant se porter plus à gauche, où l’arrière-garde russe s’obstinait à défendre un défilé difficile. Sa résistance ne cessa qu’avec le jour.
Nous bivouaquâmes de l’autre côté de la grande forêt, et près de la petite ville de Dippoldwalde, dans la vallée de Plauen. En général, les Autrichiens ne faisaient aucune résistance, mais les Russes étaient plus opiniâtres que jamais. La bataille de Dresde avait détruit l’armée autrichienne, et fort peu entamé les autres alliés.
Je n’eus que deux hommes blessés dans cette journée, où nous apprîmes, dès le matin, la mort du général Moreau, qui était venu se faire tuer dans les rangs de l’armée russe ? Ce fut une punition du ciel.
30 août. – Combat de Zinwald. Je ne suis pas très sûr de ce nom, l’ayant pris sur une carte dont j’étais pourvu, mais n’ayant personne pour m’indiquer si je ne commettais pas d’erreur de lieu. Ce combat fut très honorable pour ma compagnie, qui, de l’aveu du général Joubert, avait fait plus, à elle seule, que tous les autres tirailleurs de la division. Le récit de ce combat serait intéressant
Weitere Kostenlose Bücher