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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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naissance et ses vieux parchemins, où j’allais tous les vendredis, avec mon frère, qui était aussi en congé de semestre, passer vingt-quatre heures. C’était chez le comte Hippolyte d’Espinchal, chef d’escadron au 81 ème de chasseurs, demeurant à Massiac, petite ville à une lieue de Blesle. Mon frère servait dans le même corps.

PENDANT LES CENT-JOURS
     
    Ce fut dans la dernière de ces courses, vers le 9 mars 1815, vaguement le vendredi soir, mais positivement le samedi matin, que j’appris par plusieurs lettres de Paris, que Napoléon avait débarqué en Provence le 1 er mars, et marchait sur Lyon. Cette nouvelle plus qu’immense me surprit et m’étonna beaucoup. Rentré chez moi, je contins la joie que j’en éprouvais, sans pouvoir la définir, car j’étais aussi inquiet sur les suites que satisfait de l’événement. J’attendis quelques jours, espérant que des ordres me parviendraient, mais, n’en recevant pas, je me rendis au Puy pour savoir ce que nous devions faire.
    C’est dans ce temps là que le courrier qui portait les fonds du gouvernement fut arrêté entre le Puy et Yssengeaux par des voleurs. Un général que l’Empereur avait chassé des rangs de l’armée, et qui commandait le département, eut l’infamie de soupçonner les officiers en demi-solde d’avoir exécuté ce coup de main. Il les fit venir chez lui, aussitôt qu’il eut connaissance de ce vol, pour s’assurer de leur présence au chef-lieu. Quand les officiers eurent connaissance du motif de cet injurieux appel, ils traitèrent le général comme il le méritait ; et quand ils surent que l’Empereur était à Paris et que le roi était parti, ils furent chez lui pour lui signifier de quitter le Puy, à l’instant même, parce que, une heure après, ils ne répondaient plus de son existence. Il partit immédiatement, bien heureux d’en être quitte pour des menaces.
    Le jour qu’on reçut la nouvelle que l’Empereur était arrivé à Paris, j’allai à la préfecture avec mon frère, pour voir notre aîné, secrétaire général. Nous étions tous les deux en uniforme. Près d’entrer dans l’hôtel, nous fûmes assaillis par une multitude de misérables en haillons qui tombèrent sur nous aux cris de : « Vive l’Empereur, à bas la cocarde blanche ! » et sans nous donner le temps de répondre, nous bousculèrent, s’emparèrent de nos shakos, arrachèrent nos cocardes et nous couvrirent d’injures. Mon frère et moi, nous avions mis l’épée à la main pour nous défendre, mais saisis en même temps par derrière, nous ne pûmes en faire usage. La garde de la préfecture vint aussitôt à notre secours, et nous délivra des mains de ces forcenés, qui auraient fini par nous écharper. Mon Dieu, que j’étais en colère ! Je pleurais de rage !
    Je pris ma feuille de route, le lendemain, pour rejoindre à Brest le régiment. À Tours, à l’hôtel où nous descendîmes, nous avons trouvé plusieurs officiers de l’ancienne armée qui, étant entrés dans la Maison Rouge du roi, l’avaient accompagné jusqu’à la frontière. Ils se plaignaient amèrement des mauvais procédés des troupes envoyées à la poursuite du roi, et qu’ils avaient rencontrées à leur retour.
    Nous achetâmes un tout petit bateau pour descendre la Loire jusqu’à Nantes, et louâmes un homme pour la conduire. Il fallut ramer souvent et longtemps pour vaincre la résistance du vent et éviter les vagues qui étaient très fortes. J’avais plus de vingt ampoules aux mains quand je sortis du bateau. Nous le vendîmes plus qu’il ne nous avait coûté, et le produit du passage de trois à quatre personnes, que nous prîmes en route, nous couvrit de tous nos frais. Le voyage fut charmant pendant les deux premiers jours, et nous pûmes voir sans fatigue, très en détail, les rives tant vantées de la majestueuse Loire.
    À Quimpert-Corentin, mon chef de bataillon, qui y était en garnison, nous chercha querelle, parce que nous avions encore sur nos croix d’honneur l’effigie d’Henri IV, lui qui, quelques mois auparavant, voulait m’envoyer aux arrêts parce que je n’avais pas fait changer l’effigie de Napoléon et remplacer l’aigle impériale par les fleurs de lis de l’ancien régime !
    À Brest, où nous arrivâmes le 18 mars, nos camarades nous accueillirent avec cet empressement, cette cordialité qu’on ne trouve plus guère que chez les militaires. Le colonel lui-même nous invita

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