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Souvenir d'un officier de la grande armée

Souvenir d'un officier de la grande armée

Titel: Souvenir d'un officier de la grande armée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Baptiste Auguste Barrès
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compris l’achat d’un beau cheval de selle, me coûta beaucoup d’argent, mais je ne le regrettai pas : il me semblait que je ne pouvais payer trop cher l’avantage et la satisfaction de mon nouveau grade. Quel changement dans ma position ! quelle différence dans le service !
    Cependant, le 10 avril 1828, le régiment partait pour Lyon. Mme Barrès, restée à Charmes, met au monde, le 12 mai, un fils, qui reçoit les prénoms de Joseph Auguste. Au moment où il arrive, Barrès trouve sa femme gravement malade d’une inflammation du rein droit : elle put être sauvée, mais resta dans un état de faiblesse des plus inquiétants.
    Le début de 1829 lui apporte une nouvelle tristesse : il a la douleur, le 28 janvier, d’apprendre la mort de sa mère, décédée à Blesle à l’âge de soixante-dix-sept ans. Il se rend auprès des siens et passe quelques jours auprès de sa sœur, « à évoquer les temps insoucieux de l’enfance. La tombe s’est fermée, dit-il, sur mes bons parents, et la mienne ne sera pas près de la leur. D’autres destinées, d’autres devoirs ont fixé ma place ailleurs. » En mai 1829, le régiment est de nouveau envoyé à Paris.
    Ce ne fut pas sans une bien vive et parfaite satisfaction que je me vis établi à Paris pour une bonne année au moins. Je commençais à me fatiguer des voyages et à m’ennuyer des routes, et puis je voyais la possibilité de conduire ma femme à Paris, après la saison des eaux qu’elle devait aller prendre en été. C’était pour nous deux une joie d’enfant de lui faire visiter ce beau Paris, qu’elle désirait tant connaître.

CHARLES X
     
    Le 31 mai 1829, je me rendis à Saint-Cloud, avec tous les officiers supérieurs, pour faire notre cour au roi et à la famille royale. Présentés d’abord à Mme la Dauphine par le colonel, nous le fûmes ensuite à Mgr le Dauphin qui, en entendant prononcer mon nom, se rappela m’avoir proposé pour chef de bataillon deux ans auparavant et m’adressa la parole. Je ne m’attendais pas à tant d’honneur. Réunis ensuite dans la grande galerie du palais pour attendre le roi, nous y restâmes pour entendre la messe, ou plutôt pour causer, n’ayant pu pénétrer dans la chapelle, qui est peu spacieuse. Après la messe, le roi se promena longtemps dans la galerie, adressant la parole à tous ceux qui lui présentaient leurs hommages, avec beaucoup de grâce et d’aménité. Cette présentation me fit grand plaisir, car depuis longtemps je n’avais vu autant de dignitaires, ou de personnages célèbres. C’étaient les ministres, les maréchaux, des pairs, des députés, des ambassadeurs, des généraux. Les courtisans étaient nombreux, l’assemblée éclatante de broderies, de plaques, de cordons, de diamants. Dans cette belle galerie, on était mêlé, confondu, chacun jouant son rôle, guettant un regard du maître et cherchant à l’approcher de plus près, pour se faire voir ou demander quelque faveur. Placé dans un des angles, hors du tourbillon des grands et des admirateurs passionnés de la puissance souveraine, je pus observer à loisir ce magnifique ensemble des grandeurs du jour, chercher à connaître tous ces illustres personnages, et me faire une idée de l’éclat des cours. Je ne vis rien de grand ni de distingué dans les manières du duc d’Angoulême, rien de bon dans les yeux ni les traits de Mme la Dauphine. Quand à Charles X, il me fit l’effet d’un vieillard vert encore, qui inspire du respect, mais dont la figure annonce quelque chose de commun.
    Ce célèbre palais de Saint-Cloud me fit ressouvenir qu’autrefois j’y avais monté la garde, en ma qualité de chasseur vélite, que j’y avais vu une cour jeune, brillante, pleine de vigueur et d’espérance. Il y avait bien encore des hommes de cette époque à la cour de Charles X, mais ce n’était plus que l’ombre de ces grands caractères, de ces valeureux officiers, si célèbres par leurs grandes actions de guerre. La gloire avait fait place à l’hypocrisie dévote, les célébrités de l’Empire aux petits hommes de l’émigration, et les grandes actions de Napoléon aux intrigues d’un gouvernement mal assis.
    Le soir, je fus au Théâtre Français voir jouer Henri III , drame en cinq actes d’Alexandre Dumas. C’était la pièce à la mode, le triomphe des romantiques. Malgré le beau talent des acteurs, le luxe des décorations et la vérité des costumes, je jugeai la pièce bien

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