Souvenir d'un officier de la grande armée
les musiques, les fanfares et les tambours annoncèrent son approche. Il passa successivement devant le front de bandière des quatre lignes, précédé et suivi d’un état-major innombrable, brillant, riche de broderies et de décorations. Dans une calèche, à la suite du roi, étaient la dauphine, la duchesse de Berry, Mlle de Berry et le duc de Bordeaux. Dans une autre, qui suivait de près la première, se trouvaient les princesses d’Orléans. Le duc d’Orléans, en costume de colonel général des hussards, et ses deux fils aînés, les ducs de Chartres et de Nemours, entouraient le dauphin, le chef de l’État. Après quelques passages des lignes, après des feux, en avançant et en retraite, on se disposa à exécuter la fameuse manœuvre de Wagram, lorsque l’armée d’Italie, sous les commandements du prince Eugène et de Macdonald, alors simple général de division, enfonça le centre de l’armée autrichienne et décida de la victoire. Ce grand mouvement stratégique terminé, on défila, la gauche en tête. Par mon rang dans l’ordre de bataille, je me mis en marche, le premier, et ouvris le défilé.
L’affluence des curieux était prodigieuse, on ne voyait que des têtes dans cette vaste plaine de Grenelle. Tout y fut beau, superbe, majestueux, comme le temps qui concourut à cette brillante revue. La rareté des cris de « Vive le roi ! » dut faire sentir à Charles X que le ministère Polignac était odieux à la nation. Le maréchal Macdonald, duc de Tarente, major général de la garde, commandait et dirigeait les divers mouvements, qui furent tous exécutés avec précision et ensemble.
Mme Barrès s’éteignait, le 25 novembre, en pleine jeunesse, veillée par son mari jusqu’au dernier moment. Les obsèques furent célébrées à Saint-Jacques-du-Haut-Pas. La seule consolation de Barrès, c’est sa tendresse pour le jeune fils en qui il est assuré de trouver un jour « un ami pour lui rappeler les mérites de celle qui lui restera chère à tous jamais ». Après une quarantaine de jours passés à Charmes, il est de retour à Paris en janvier 1830.
31 mai. – Je vais au Palais Royal voir l’illumination du palais et du jardin, préparée à l’occasion de la fête que donnait le duc d’Orléans au roi de Naples, son beau-frère, et à la cour de France. Les officiers supérieurs du régiment y étaient invités, quelques uns y furent, mais je m’en abstins, d’abord à cause de ma position, et ensuite parce qu’il fallait se mettre en bas de soie, culotte blanche, boucle en or, dépense que je ne me souciais pas de faire pour un ou deux bals de la cour où j’aurais pu aller. Dès la nuit arrivée, le jardin et la grande cour du palais se trouvèrent pleins de curieux, et en si grand nombre qu’on ne pouvait plus guère circuler, et malgré cela, la foule grossissait à vue d’œil. Je pensai que, si je ne me retirai pas de bonne heure, je ne le pourrais bientôt plus sans de très grandes difficultés. Cette foule d’hommes de tous les rangs, mais surtout de jeunes gens et d’ouvriers, l’agitation tumultueuse, l’inquiétude qu’on voyait sur beaucoup de figures et surtout chez les marchands des galeries, qui fermaient en hâte leur boutique, tous ces symptômes d’émeutes et de troubles me déterminèrent à quitter une enceinte embrasée de tous les feux de la discorde. Je sortis un peu après neuf heures, comme Charles X y arrivait en grand appareil, avec assez de difficulté, mais sans incident.
Quand je sus le lendemain qu’on s’y était rué, qu’on y avait brûlé toutes les chaises du jardin, détruit les clôtures des parterres, brisé les fleurs, en criant : « À bas Polignac ! À bas les ministres ! Vive le duc d’Orléans ! » je me félicitai bien sincèrement de ne m’être pas trouvé dans cette orageuse bagarre.
27 juin. – C’était un dimanche. Je fus à Saint-Cloud, dans la calèche du colonel, faire notre cour au roi, et aux membres de la famille royale. Mme la comtesse de Bourmont, épouse du général en chef de l’expédition d’Alger, reçut les compliments du roi et de la famille royale, sur les succès de son mari et l’heureux début de la campagne. L’empressement devint alors plus grand autour d’elle.
11 juillet. – Un Te Deum solennel fut chanté à Notre-Dame, en présence du roi, de la cour et de tous les grands dignitaires de la couronne et du royaume, en action de grâces pour la prise
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