Spartacus
immense étreint par l’angoisse.
— Le châtiment rend courage ! crie Licinius Crassus. Je décimerai toute cohorte, toute centurie, toute légion qui reculera devant cette horde d’esclaves !
Maintenant, les cinquante hommes sont nus.
Crassus fait un nouveau signe.
Des soldats commencent à fouetter les sacrifiés avec de longues verges plombées qu’ils tiennent à deux mains.
Ils cinglent toutes les parties du corps, les épaules et le dos, les cuisses et les mollets, les flancs et la poitrine.
Les cinquante corps sont bientôt striés, couverts de sang, lacérés.
Cependant, les battements continuent au même rythme.
Des soldats s’avancent, la hache sur l’épaule.
D’une poussée, ils obligent les sacrifiés à s’allonger sur le sol. Certains s’affaissent d’abord sur les genoux, d’autres se laissent tomber en avant.
Les bourreaux regardent Licinius Crassus.
Il a croisé les bras. Il se tourne vers ceux qui ont sauvé leur vie. Il les toise. Les rides qui creusent ses joues autour de la bouche disent l’ampleur de son mépris.
— Le sort vous a préservés, commence-t-il. Mais votre lâcheté a marqué votre vie du sceau de l’infamie. Vous coucherez hors du camp. Vous serez les esclaves des soldats. Point de blé, point d’honneurs pour vous. De l’orge et des tâches serviles. Vous remuerez la merde et la terre. Vous ne porterez à nouveau les armes que si vous prêtez serment de ne jamais vous en séparer. Leur prix sera retenu sur votre solde. Si vous les abandonnez à nouveau, aucun dieu, aucun tirage au sort ne pourra vous épargner les supplices ni la mort.
Il montre les cinquante corps couchés.
— Regardez ceux-là que le sort a choisis, mais qui n’ont pas été plus lâches que vous. Ils paient pour vous !
Crassus tire son glaive hors du fourreau, le brandit et, brusquement, d’un geste rapide, l’abaisse.
Les haches tombent à leur tour, tranchant les nuques et les cous.
Puis des soldats agrippent les corps décapités et les têtes à l’aide de crocs.
Ils les tirent devant les légions, devant les quatre cent cinquante fuyards épargnés, devant le légat Mummius, qui garde la tête baissée.
— Ces légions préféreront désormais le sacrifice à la fuite, lance Crassus à Julius Caesar. La peur chasse la peur. Il faut que chaque soldat me craigne davantage qu’il ne craint Spartacus !
Le battement a cessé. Les cinquante corps et les cinquante têtes forment deux pyramides autour desquelles commencent à s’affairer les fuyards que le sort a épargnés.
Sur ordre des centurions qui les injurient et les frappent, ils creusent des fossés, élèvent des bûchers. Puis ils prennent chaque cadavre par les membres et les disposent sur le bois entassé.
Les légions sont restées alignées et, sur le tertre, Lucinius Crassus, Julius Caesar et Fuscus Salinator, ainsi que des centurions primipiles qui les ont rejoints, attendent que crépitent les premières flammes.
Tout à coup, aiguë et forte, une voix crie :
— Licinius Crassus, ton légat Mummius, avant de mourir, te salue !
Au pied du tertre, Mummius est à genoux. Il a saisi son glaive à deux mains et l’enfonce d’un coup violent dans sa poitrine puis bascule en avant.
À cet instant, les flammes des bûchers commencent à jaillir et une fumée âcre charriant des odeurs de chair brûlée se répand, enveloppant les légions.
Le battement des glaives sur les boucliers reprend, plus rapide, jusqu’à ne plus former qu’un roulement sourd.
Licinius Crassus se penche, examine le corps de Mummius.
— Qu’on le brûle, avec les autres ! lance-t-il.
Puis, se tournant vers Caesar et Salinator, il murmure :
— Nous vengerons ces Romains. Je ne laisserai plus à Spartacus et à sa horde une seule journée de répit.
Il lève son glaive face aux légions.
50
J’ai vu les fumées des bûchers allumés par les Romains, écrit Posidionos le Grec.
Nous étions encore rassemblés sur les hauteurs de Campanie. C’était, après plusieurs jours de pluie, une matinée limpide. Le ciel était d’un bleu si léger qu’à l’horizon il en paraissait presque blanc. Et puis, tout à coup, ces fumées que le vent rabattait vers nous et dont l’odeur de chair brûlée donnait la nausée.
Peu après, on a jeté à mes pieds un jeune soldat de Rome que l’on venait de capturer. Il tremblait et ses yeux étaient emplis d’effroi. Il était d’origine grecque.
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