Spartacus
veulent au contraire attaquer le préteur Varinius. Ainsi, la répartition ethnique déjà perceptible dans la toute première troupe de fugitifs ne s’est pas effacée avec l’afflux des esclaves. Sans doute les clivages se sont-ils même renforcés. La dissidence d’Oenomaus en constitue la première preuve. Spartacus ne semble pas pouvoir s’opposer à son départ, mais l’autre chef gaulois, Crixus, ne se joint pas à Oenomaus, preuve que la division existe également entre les Gaulois. Cette appellation doit masquer des réalités ethniques bien différentes, mais malheureusement le surnom grec d’Oenomaus et le silence des sources ne nous permettent pas de déterminer la nature de cette distinction. D’après les chiffres il semble que les troupes de Spartacus comptent alors environ 10 000 hommes ; avec ses 3 000 guerriers, c’est presque un tiers de l’armée qu’emmène Oenomaus. On ne connaît pas non plus exactement les effectifs de l’armée de Varinius Glaber. Comme Claudius avait déjà sous ses ordres 3 000 hommes, il est probable que le préteur soit à la tête de l’équivalent d’une légion accompagnée de contingents de cavalerie alliés destinés à protéger les ailes. En tout, on peut estimer que l’effectif placé sous le commandement de Varinius approche les 10 000 hommes. Les sources suggèrent également que son collègue Publius Valerius le suit. Les deux hommes ont-ils fait leur jonction avant d’affronter Oenomaus ? Il est impossible de le dire. Il est en revanche certain que le choc a eu lieu en Campanie, probablement dans les environs immédiats de Nola. D’après le témoignage d’Orose, Oenomaus est défait et perd la vie. Dans les fragments de ses Histoires , Salluste évoque probablement la bravoure des compagnons d’Oenomaus en rapportant qu’ils sont morts « sur la place même où ils avaient combattu ».
La fuite de Spartacus vers le sud
Ce premier revers subi par les esclaves constitue un terrible avertissement. Il a au moins le mérite de ressouder les différents groupes autour de Spartacus. Logiquement, le préteur Varinius ne veut pas perdre le contact avec l’armée des esclaves. Mais, s’il n’a pas encore effectué sa jonction avec Publius Valerius, il est possible que ce dernier l’attende quelques jours en Campanie. Ce délai permet à Spartacus de prendre du champ et de s’éloigner des plaines pour trouver un terrain qui lui sera plus favorable. Cependant, conscient que les esclaves risquent de lui échapper, Varinius veille à rester informé de la direction qu’ils prennent grâce à ses cavaliers. Spartacus connaît le danger qui le menace et cherche à semer ses poursuivants. D’après un fragment de Salluste, les fugitifs suivent la via Popillia en direction du sud et arrivent à Narès, à la limite entre la Campanie et la Lucanie, à 65 kilomètres de Salerne 59 . Après avoir pillé ce bourg, ils continuent leur marche pendant encore 25 kilomètres sur la via Popillia. En suivant la vallée du Tanagra, ils poussent jusqu’à Forum Popillii où ils arrivent à la pointe du jour. La marche des fugitifs est si rapide que les habitants de la cité ignorent leur présence dans le secteur. L’effet de surprise explique sans doute pourquoi les deux petites localités n’ont pas eu le temps de fermer leurs portes et de se défendre. Comme à Nola et Nuceria, les pulsions violentes des esclaves l’emportent sur l’esprit de modération de Spartacus. « Aussitôt les fugitifs, au mépris des ordres de leur chef, violent les femmes et les filles… » Encore une fois, Salluste insiste sur le décalage entre le chef et ses troupes. Sans doute Spartacus recherche-t-il l’appui de ces populations pauvres, qui n’ont rien à voir avec les Romains. Déjà au temps d’Hannibal, cette partie de l’Italie du Sud a préféré suivre le général punique plutôt que de défendre Rome. Dans la situation qui est la sienne, Spartacus voudrait au moins bénéficier de la neutralité des villes, mais comment nouer la moindre alliance si ses hommes violent et pillent à la moindre occasion ? Depuis leur départ précipité de Nola, les fuyards ont couvert près de 150 kilomètres. En suivant la via Popillia, cette distance a pu être parcourue en trois ou quatre jours, les hommes de Spartacus ne s’encombrant pas de bagages. Mais l’armée du préteur Varinius peut encore facilement les rattraper s’ils continuent à emprunter
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