Spartacus
quelques mois, les fugitifs ont tôt fait de consommer les maigres vivres dont ils disposent. Ne pouvant tirer aucune ressource de ce lieu, Spartacus se résout à tenter une sortie pendant la nuit. Comme sur les pentes du Vésuve, le chef thrace fait appel à la ruse.
D’après un fragment de l’œuvre de Salluste, les esclaves quittent leur camp en silence, au milieu de la nuit. « Ensuite les fugitifs, ayant consommé tous leurs vivres et n’en pouvant tirer du voisinage, [...] sortent tous à la seconde veille, laissant dans leur camp un trompette, et, pour offrir à quiconque eût regardé de loin l’aspect de sentinelles, ils dressèrent sur des poteaux des corps récemment morts et des enseignes. » Les esclaves ne laissent donc qu’un cornicen derrière eux. Ce sacrifié, sans doute volontaire, est peut-être un blessé qui n’aurait pas pu suivre le reste de la troupe. Entendant le souffle de son cornu à heure fixe pendant la nuit, les sentinelles romaines, qui font la même chose de leur côté, imaginent que les esclaves procèdent à la relève de leurs gardes. Avec lui Spartacus abandonne aussi les enseignes dérobées aux Romains lors des précédents affrontements. L’usage des signaux sonores comme celui des enseignes montre que ses troupes imitent volontiers l’organisation et les méthodes des légions romaines. Ce fait apparaît de nombreuses fois tout au long de l’aventure de Spartacus et constitue un élément de compréhension important des succès des esclaves. Il dénote, une fois de plus, l’ascendant de Spartacus sur des bandes hétéroclites qu’il parvient à organiser militairement alors même qu’il est talonné par Varinius. Frontin, dans ses Stratagèmes , cite lui aussi l’épisode des poteaux et en fait un exemple de ruse utilisée pour se sortir d’un mauvais pas : « Le même chef [Spartacus], bloqué par le proconsul Publius Varinius, fit planter des poteaux à de faibles intervalles les uns des autres devant la porte de son camp, fit relever des cadavres, les fit équiper de vêtements et d’armes et attacher à ces poteaux, afin de faire croire à qui les voyait de loin qu’il s’agissait d’un poste de garde, et fit allumer des feux dans toute l’étendue du camp. Cette fausse apparence trompa l’ennemi, ce qui permit à Spartacus d’emmener ses troupes dans le silence de la nuit 60 . » Signe sans doute du manque de vigilance des troupes romaines ou de leur absence de pugnacité, le stratagème fonctionne parfaitement et Spartacus peut se sortir de ce pas dangereux. Ce nouveau succès renforce encore l’autorité du chef thrace sur ses hommes, malgré la diversité de leurs origines. Il démontre que sa troupe a déjà acquis une cohésion et une discipline dont les Romains n’ont pas fini de faire les frais.
Nouvelle victoire contre Cossinius
Varinius, furieux d’avoir laissé échapper sa proie, lance son lieutenant Cossinius à la poursuite de Spartacus. Plutarque note que Cossinius est « le conseiller et le collègue de Varinius ». Ce titre de collègue laisse entendre que Cossinius serait lui aussi préteur, ou ancien préteur. Plutarque précise qu’il est envoyé « avec un grand corps de troupes ». On est étonné de constater cette tendance de Varinius à morceler ses forces au lieu de les concentrer pour frapper. Ce défaut tactique évident est peut-être la conséquence du fait que ces troupes « ramassées à la hâte » manquent d’homogénéité. Il se peut également que Varinius ne veuille pas se séparer de ses bagages et envoie ses lieutenants pour courir plus légèrement contre Spartacus, qu’il ne veut surtout pas perdre de vue. Quoi qu’il en soit, cette nouvelle erreur est mise à profit par le chef des esclaves. D’après Plutarque, Cossinius vient camper « aux bains de Salines ». Encore une fois ce seul témoignage est vague. Plusieurs sites géographiques peuvent correspondre à cette appellation assez commune de « Salines ». Ainsi, certains auteurs placent ce lieu en Campanie entre Pompéi et Herculanum. Cependant, les épisodes qui précèdent supposent une longue poursuite et des manœuvres qui ont déjà entraîné Spartacus loin du Vésuve. De plus, la région de Pompéi et d’Herculanum est très urbanisée et très défavorable à une troupe de fugitifs. On imagine plus volontiers Spartacus, qui cherche à échapper aux Romains, en train de s’enfoncer dans les massifs boisés de la
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