Spartacus
retourner contre Varinius lui-même. Les révoltés ne semblent pas vouloir attaquer de front ; ils préfèrent harceler le préteur dans une sorte de guérilla. Les historiens ne parlent pas de batailles mais évoquent davantage des accrochages rapides avec les soldats occupés au ravitaillement. Esclaves de Campanie ou pâtres d’Apulie et de Lucanie, les révoltés manquent encore d’armes. Avec des rebelles peu aguerris et mal équipés, les chefs des esclaves ne parviennent pas à obtenir un avantage décisif. Pour autant, cette guérilla use rapidement les nerfs des troupes de Varinius. Malgré les menaces de leur général, les désertions se succèdent et le mouvement ne fait que s’aggraver à chaque succès de Spartacus. Les soldats qui restent mettent, d’après Salluste, la « plus honteuse lâcheté à se refuser au service » tandis que d’autres excluent de rallier leurs étendards. Cette absence de professionnalisme montre bien que les hommes de Varinius ne sont pas de véritables légionnaires. Il s’agit plutôt d’alliés peu soucieux de se sacrifier dans une guerre sans gloire et sans butin sur les confins de l’Italie, au cœur d’un pays hostile. Enfin, le préteur s’inquiète également de l’état de santé de ce qui lui reste de troupe car une partie de ses soldats sont atteints des « maladies qu’amène l’automne ». Cette première allusion chronologique livrée par Salluste confirme l’hypothèse suivant laquelle Spartacus s’est évadé du ludus de Capoue depuis le printemps précédent. Avec l’hiver qui approche, Varinius veut sans doute interrompre les opérations et attendre des renforts. Pour cela, il envoie « Caius Thoranius, son questeur, à Rome afin que, par témoin oculaire, on sût mieux l’état des choses ». Caius Thoranius est un magistrat qui débute son cursus honorum en étant chargé des questions financières. Cependant, son titre lui donne une certaine légitimité à parler devant le Sénat. En le renvoyant à Rome, Varinius peut sans doute compter sur un avocat fiable pour dire aux sénateurs qu’il a fait ce qu’il a pu selon ses moyens. Son questeur doit surtout tenter de lui obtenir rapidement des renforts et des troupes dignes de ce nom. A cette condition, il pourra mettre un terme à la révolte qui menace à présent d’embraser de nouvelles provinces. C’est avec cette double mission que Thoranius repart vers Rome. Comme la magistrature des questeurs vient à son terme le 5 décembre il est possible de situer cet épisode à la fin du mois de novembre 73. En attendant le retour de son messager, Varinius reste sur place avec « quatre cohortes de soldats de bonne volonté ». Quatre cohortes constituent un effectif d’environ 2 000 hommes, soit sans doute beaucoup moins que les effectifs correctement équipés dont dispose Spartacus à ce moment. Pourtant, au lieu de se fortifier et d’attendre le résultat de la mission du questeur Thoranius, Varinius préfère engager la bataille.
La bataille contre Varinius
Pour téméraire qu’elle soit, son attitude est surtout motivée par celle de ses soldats, qui semblent reprendre confiance après avoir pris un peu de repos. D’après Salluste, ce regain d’énergie suit de peu le départ du questeur pour Rome : « Quelques jours après, nos soldats, contre leur ordinaire, commencent à sentir croître leur confiance, et à tenir un langage plus assuré. Varinius est entraîné lui-même par cette ardeur inattendue ; il met de côté les précautions, puis ces soldats novices, non encore éprouvés et tout préoccupés des revers de leurs camarades, il les conduit néanmoins contre le camp des fugitifs. » Cette décision est étonnante après les revers déjà essuyés, mais il faut également prendre en compte les craintes d’un homme politique en pleine ascension. Arrivé au rang de préteur, Varinius peut légitimement espérer être élu consul d’ici quelques années. Dans cette campagne peu glorieuse contre les esclaves, il a surtout essuyé des revers sanglants. S’il doit être en plus taxé d’immobilisme, il y a fort à parier que sa carrière s’arrêtera là. Rome ne pardonne pas l’échec à ses généraux.
Parmi les soldats, ceux qui mettaient quelques jours auparavant tant de mauvaise grâce à combattre sont les plus bavards. Les langues se délient, les conversations entre soldats vont bon train. Finalement, il est stupide d’avoir peur de ces
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