Spartacus
Plutarque ne s’y trompe pas lorsqu’il souligne que le rebelle « dès lors fut grand et redouté ». Pour l’heure, Varinius et ce qui lui reste de soldats abandonnent aux esclaves toute la pointe sud de l’Italie . Cette bataille a probablement été livrée sur les confins de l’Apulie, peut-être dans la région de Venusia. Varinius pouvait donc protéger à la fois la route de la Lucanie et la Campanie. La victoire de Spartacus constitue un véritable succès stratégique pour les esclaves qui sortent renforcés de cette première campagne de l’année 73. Après avoir fui la Campanie, sans doute trop peu favorable à une guerre subversive, l’armée des esclaves est parvenue à pénétrer en Apulie dans une région plus sauvage et moins bien tenue par Rome. A présent, la route de la Lucanie et du Bruttium est à nouveau ouverte. Montagneux et accidenté, le sud-ouest de la Botte offre plus de cachettes et plus d’espace pour manœuvrer contre les Romains. De plus, ces régions sont peuplées de bergers-esclaves vivant en semi-liberté et de bergers libres qui vivent comme des esclaves. Spartacus peut ainsi compter sur de nouveaux ralliements. D’après Appien, avec les succès de la fin de l’année 73, « le nombre des sectateurs de Spartacus s’accrut encore davantage, et déjà il était à la tête d’une armée de soixante et dix mille hommes ». Cette amplification du mouvement de révolte est confirmée par le témoignage d’Orose, qui rapporte que « ces pointes hardies vers le sud sont payantes et rallient chaque fois de nouveaux fugitifs ». Toujours d’après Orose, « ils rassemblèrent rapidement d’immenses bandes armées. On rapporte en effet qu’à ce moment Crixus avait une horde de 10 000 personnes et Spartacus trois fois plus ». Même si les témoignages d’Appien et d’Orose divergent, ils n’en demeurent pas moins intéressants par les chiffres qu’ils donnent. Ces derniers sont de toute façon des ordres de grandeur. La différence de 30 000 hommes compte assez peu, d’autant que ces chiffres font peut-être référence à des dates différentes. Ce qui demeure tient à la croissance exponentielle du mouvement de Spartacus à chaque succès. De 70 gladiateurs lorsqu’ils s’échappent de Capoue, les fugitifs ont rallié quelques centaines de fugitifs sur les pentes du Vésuve lorsqu’ils bousculent Claudius. L’écho de cette première victoire amène à Spartacus sans doute plus de 10 000 esclaves campaniens ; enfin, son passage dans le sud de la Botte italienne lui apporte des dizaines de milliers d’hommes. Le retour piteux de Varinius au Sénat à la fin de l’année 73 lève toute ambiguïté. Les Romains doivent bel et bien affronter une troisième guerre servile. Une guerre d’autant plus grave qu’elle n’est pas cantonnée à la Sicile, comme les deux précédentes, mais qu’elle a pris corps en Italie même, à moins de 200 kilomètres de Rome.
9
L’hiver à Thurium,
ou comment se forgent les légendes
Du golfe de Tarente au massif de la Sila, le royaume des esclaves
La chronologie des événements qui suivent la défaite de Varinius pose quelques problèmes. Les auteurs antiques, avares de repères chronologiques, laissent planer un certain flou, mais il semble presque assuré que Spartacus traverse l’Apulie pour s’installer quelques mois sur les rivages du golfe de Tarente. Pour l’armée des esclaves la position est stratégique. Le golfe est parsemé de villes opulentes. Tarente, Métaponte et Héraclée constituent un chapelet de cités de tradition grecque installées sur un terroir prospère. Soumis à Rome depuis longtemps, ces ports constituent autant de places actives où transitent les richesses de la Méditerranée. Comme les cités de Campanie quelques mois plus tôt, ces villes tremblent de peur derrière leurs murailles. Du haut de leurs tours, les citoyens de Métaponte et d’Héraclée voient approcher ces hordes d’esclaves révoltés qui pillent les domaines ruraux des notables. Dans les campagnes, une foule d’esclaves se rallient après avoir incendié les villas et tué les affranchis fidèles à leurs maîtres. Dans les cités, la plupart des esclaves demeurent calmes, mais le regard que les maîtres portent sur eux a changé. La suspicion et la crainte marquent les familles qui comptent un ou plusieurs esclaves. Resteront-ils fidèles ou s’apprêtent-ils à les poignarder ?
Bien que
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