Spartacus
obligation de fournir des vaisseaux à la flotte, et la Sicile n’est plus protégée de l’activité des pirates. Pourtant, avec dix vaisseaux mal équipés et beaucoup de chance, les Romains ont réussi à saisir un bateau pirate chargé d’argenterie et d’esclaves. A cette nouvelle Verrès accourt, s’empare de l’argenterie, distribue les esclaves entre ses proches, mais, d’après Cicéron, « personne ne voit le chef des pirates, qu’il était de son devoir de livrer au supplice. Aujourd’hui tous les Siciliens pensent, et vous pouvez vous-mêmes conjecturer ce qu’il en est, que Verrès a reçu de l’argent des pirates pour sauver leur chef ». Encore une fois, le gouverneur préfère son intérêt aux exigences de sa charge. Il libère contre rançon le chef pirate et aurait même fait exécuter un innocent à sa place. Si l’affaire est avérée, il y a peu de doutes qu’un tel acte de faiblesse de la part d’un magistrat de Rome ait fait le tour des ports du sud de l’Italie et soit arrivé aux oreilles de Spartacus. C’est peut-être même ce pirate chanceux qui lui a raconté sa bonne fortune. Un autre fait plus important n’a pu échapper à personne : non content d’entretenir une flotte squelettique, Verrès a mis à sa tête Cléomène, un Syracusain qui n’a d’autre titre à commander que d’être le mari complaisant d’une des maîtresses du gouverneur. Avec un tel chef, les pirates, très bien informés du pitoyable état de la flotte de Verrès, attaquent sans vergogne les vaisseaux romains devant Syracuse. A la vue de voiles hostiles, Cléomène, qui commande le seul bateau puissant, s’enfuit et laisse les assaillants brûler son « fantôme de flotte ». Pour bien marquer leur victoire, ceux-ci se payent même le luxe de pénétrer impunément dans le port de Syracuse. Comme la libération du chef pirate, cette humiliation suprême a dû faire le tour de la Méditerranée. Spartacus et ses hommes en ont forcément été avertis et ont dû tirer de ce haut fait des pirates de légitimes raisons d’espérer. Pour eux, la Sicile apparaît comme le maillon faible de l’empire de Rome.
Spartacus et les pirates
Face à une île tenue par un gouverneur romain à la cupidité délirante, et serré de près par l’armée de Crassus, il semble parfaitement logique que Spartacus élabore le projet de faire passer tout ou partie de son armée en Sicile. Dans ce cas, les villes siciliennes ne seront pas très promptes à se mobiliser pour voler au secours des Romains. En revanche, il peut compter sur le soutien sans réserve de dizaines de milliers d’esclaves qui triment dans les campagnes de l’île. Reste encore à trouver les bateaux nécessaires au transfert d’une telle masse d’individus. Si l’on admet le nombre de 100 000 hommes, il faudrait des centaines de navires pour effectuer ce passage. Ce qui est d’ailleurs un minimum car, si l’on en croit le témoignage de Florus, les pirates utilisent surtout des bateaux légers pour échapper aux lourds vaisseaux romains. Même si l’on prévoit plusieurs rotations, il faudrait malgré tout réunir beaucoup de voiles pour réaliser cette opération. Les pirates sont bien les seuls à pouvoir réaliser cette traversée. Le moment est idéal car l’incurie de Verrès prive la Sicile de toute protection navale organisée. Plutarque affirme que les pirates font alors « une convention » avec Spartacus. Il faut souligner le fait qu’il est le seul à nous parler des pirates : Appien n’en dit pas un mot et les fragments de Salluste sont muets sur ce point. Florus, quant à lui, rapporte seulement que les esclaves « se préparaient à fuir en Sicile ». Cette idée de passage en Sicile germe certainement dans l’esprit de Spartacus à la fin de l’automne ou au début de l’hiver. Encore une fois, la mer est close au moment où l’armée des esclaves pourrait avoir besoin d’elle. Le mare clausum constitue une période de morte saison pour les pirates. Alors que la mer est vide de navires de commerce, ils peuvent trouver un intérêt à proposer ce service aux esclaves moyennant une part importante de leur butin. Mais leurs moyens seraient insuffisants pour transporter toute l’armée des rebelles en Sicile, comme le suggèrent les différentes versions romancées de cette histoire. Pour cela, il faudrait mobiliser les embarcations d’autres pirates qui relâchent sur les côtes déchiquetées de
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