Spartacus
occasionné par deux fois des revers importants ; de plus, le gros des troupes resterait coincé à l’extrémité du Bruttium, avec l’armée de Crassus sur ses arrières.
Verrès, l’infâme gouverneur de la Sicile
A cette époque, la grande île vit depuis deux ans sous le joug de Caius Lucius Verrès. Déjà connu pour ses malversations en Gaule, en Cilicie et à Rome, ce personnage est gouverneur de Sicile depuis 73 ; c’est à ce titre qu’il deviendra tristement célèbre. Archétype du gouverneur rapace et prévaricateur, Verrès est une véritable calamité pour la Sicile. Spartacus a probablement eu vent de ses méfaits et peut-être espère-t-il que l’intervention de 2 000 esclaves choisis parmi les plus efficaces suffise à déclencher une nouvelle révolte. Les actions déplorables de Verrès sont bien connues grâce au procès que lui feront ses administrés aussitôt après sa sortie de charge. Les citoyens des villes siciliennes auront alors la bonne idée de prendre Cicéron pour avocat ; ce dernier nous a laissé l’intégralité de son plaidoyer contre Verrès 91 . Ce texte majeur de la littérature latine nous livre aussi quelques éléments intéressants à verser au dossier de la guerre de Spartacus ; nous apprenons ainsi que les esclaves de Sicile ont tenté de s’organiser dans le but de hâter la venue du chef rebelle sur leur île. « Dans le territoire de Triocala, qui fut autrefois occupé par les révoltés, les esclaves d’un Sicilien nommé Léonidas furent soupçonnés de conspiration. On les dénonça. Fidèle à son devoir, Verrès les fit arrêter et conduire aussitôt à Lilybée. Le maître est assigné ; on instruit le procès ; ils sont condamnés. » L’affaire aurait pu en rester là, mais Verrès fait ensuite libérer les condamnés. Pour Cicéron et pour les Siciliens, il ne fait pas de doute que le cupide gouverneur a monnayé la grâce des esclaves comploteurs afin de les restituer à leur maître. Ainsi, Verrès fait passer son intérêt personnel avant la sécurité d’une province sensible. Pour Cicéron, ce forfait est très grave, mais il y a pire encore. Dans la longue liste des mauvaises actions du gouverneur, se trouve également la condamnation à mort de Gavius, un citoyen romain qui a eu le tort de se plaindre un peu trop fort de la conduite de Verrès. Pour justifier un châtiment que chacun estime totalement inique, ce dernier invoque un motif intéressant : « Le préteur se dit bien informé que Gavius est un espion envoyé par les chefs des esclaves révoltés : cette imposture était entièrement dénuée de fondement, d’apparence et de prétexte. Ensuite il commande qu’il soit saisi et frappé par tous les licteurs à la fois. » Ces deux anecdotes issues de nombreux témoignages fiables nous donnent une idée du contexte dans lequel se trouve la Sicile lorsque Spartacus marche vers le sud de l’Italie. Des esclaves semblent bien comploter une nouvelle révolte, notamment dans les parties de l’île touchées par les deux premières guerres serviles. Pourtant, depuis trente ans, le port de toute arme y est strictement interdit aux esclaves de l’île. L’un d’entre eux a même été crucifié par le gouverneur Lucius Domitius pour avoir tué un sanglier à l’aide d’un épieu. Malgré la surveillance à laquelle ils sont soumis, les rumeurs de la révolte de Spartacus sont venues aux oreilles des esclaves de Sicile, et Spartacus a probablement eu vent de ces rumeurs de sédition siciliennes, grâce à des espions sur place ; l’accusation que porte Verrès à l’encontre de Gavius, même infondée, montre bien que la présence d’espions est considérée comme un fait plausible par le gouverneur. Ces circonstances expliquent pourquoi Spartacus se porte vers la Sicile, mais Verrès lui donne un autre motif.
Une grande île sans défense
D’après Cicéron, l’avarice et l’incurie du gouverneur n’ont laissé en Sicile « qu’un fantôme de flotte, c’est-à-dire quelques vaisseaux vides, plus propres à porter le butin du préteur qu’à réprimer les efforts des pirates ». Pour s’enrichir, Verrès détourne le ravitaillement des équipages, qui doivent se nourrir de racines pour survivre. Le gouverneur vend également des congés aux matelots et aux capitaines de ses galères, qui se retrouvent ainsi avec des équipages squelettiques. Contre de l’argent, il exonère certaines villes de leur
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