Spartacus
Lucullus et Pompée puissent venir le seconder : le premier, en tant qu’ancien consul, ne céderait jamais son commandement à un simple préteur ; quant au second, déjà auréolé de gloire militaire à tout juste trente-cinq ans, son orgueil est légendaire ; ayant été honoré du titre de Magnus par Sylla lui-même, il n’accepterait plus d’obéir à qui que ce soit sur un champ de bataille. De toute évidence, le retour de ces deux-là, ou d’un seul, avant une victoire complète contre Spartacus marquerait la fin des ambitions politiques de Crassus ; accessoirement, tout l’argent qu’il a investi depuis plus de six mois dans cette campagne l’aurait été en vain.
Crassus le tacticien
Serrant toujours de plus près les deux armées d’esclaves, Crassus veut en finir au plus vite. Orose rapporte qu’il s’attaque en toute logique aux Gaulois avant de s’en prendre à Spartacus lui-même. D’après cet auteur tardif, Spartacus a alors installé son camp près de la source du Silaris. D’après Strabon, « le fleuve Silaris forme de ce côté la limite de l’ancienne Italie. Les eaux du Silaris, d’ailleurs excellentes à boire, offrent, dit-on, cette particularité que, si l’on jette dans leur courant une plante quelconque, elle s’y pétrifie, sans perdre ni sa couleur ni sa forme 96 ». Cette description permet de situer le lieu de la bataille autour de l’actuelle commune de Caposele 97 . Cette commune toute proche de la Lucanie est aujourd’hui située en Campanie. Toujours réputée pour ses nombreuses sources, elle porte le nom du fleuve Sele, appellation moderne de l’antique Silaris. Marchant vers le Samnium, Spartacus a donc réussi à traverser toute la Lucanie et s’apprête à pénétrer à nouveau en Campanie. Crassus est conscient que Rome ne lui pardonnerait pas de laisser impunément ravager une seconde fois une province aussi importante. Il doit donc absolument vaincre les esclaves ici et maintenant. Frontin nous donne le détail de cette bataille. Sextius Julius Frontinus est un consul et un général romain de la fin du I er siècle de notre ère. Son ouvrage Stratagèmes nous donne toute une collection d’exemples de ruses et de tactiques diverses. Choisis avec soin, ces cas d’espèce sont d’un grand intérêt car ils sont proposés par un officier supérieur expérimenté. Dans ce texte, c’est en connaisseur que Frontin apprécie le talent déployé par Crassus pour vaincre les Gaulois. « Crassus […] fortifia deux camps rapprochés de celui de l’ennemi près du mont Cantenna ; à la nuit il déplaça ses troupes en laissant sa tente prétorienne dans le plus grand des deux camps pour tromper l’ennemi, et conduisit lui-même toutes ses troupes au pied de la montagne […] où il prit position ; il partagea ensuite sa cavalerie en deux, et chargea Lucius Quintius d’en opposer une partie à Spartacus et de lui refuser le combat, puis avec l’autre partie de la cavalerie d’aller escarmoucher les Gaulois et les Germains de la faction de Castus et Cannicius, pour les attirer au combat et les faire venir en faisant semblant de fuir jusqu’à l’endroit où il se trouvait lui-même avec son armée rangée en ordre de bataille. Poursuivie par les Barbares, la cavalerie se retira sur les deux ailes, la ligne de bataille se découvrit soudain et s’élança à l’attaque en poussant le cri de guerre. »
Cette intéressante relation nous donne plusieurs indications importantes. Frontin confirme que l’armée des esclaves est toujours séparée en deux groupes mais que Spartacus n’est pas très loin. Pour éviter que le Thrace ne vienne à nouveau soutenir ses turbulents alliés, Crassus scinde sa cavalerie en deux pour contenir le chef rebelle, qui ignore encore où se trouve le gros des forces romaines. Le préteur a aménagé deux camps, dont le plus grand est certainement en face de celui de Spartacus et du gros de l’armée des esclaves ; c’est dans ce camp qu’il a ostensiblement laissé sa tente afin d’induire l’ennemi en erreur. Les éclaireurs de Spartacus sont ensuite chassés par la cavalerie que Crassus a réservée à cet effet. En agissant ainsi Spartacus est aveuglé et ne peut pas se rendre compte à temps de la manœuvre de son adversaire. Crassus a rangé le gros de son infanterie au pied d’une montagne tandis que l’autre moitié de sa cavalerie provoque la susceptibilité des Gaulois et des Germains.
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